Explication n En paysanne avertie, Na Ghné pense que cette spéculation est d'abord le fruit d'une forte demande sur le marché. Ancienne cueilleuse d'olives qui avait toujours droit à des jarres pleines d'une huile limpide et parfumée avant que ses rhumatismes ne finissent par l'éloigner des champs, Ghnima (dite Na Ghné) a maintenant du mal à remplir un bidon de cinq litres à l'huilerie du village. Et pour cause, l'huilerie du coin où elle avait l'habitude de faire à bon marché ses provisions annuelles de ce précieux et bénéfique liquide, lui a renvoyé ses jerricans vides pour cause de manque d'huile, malgré les amas d'olives qui grossissent chaque jour pour être triturés et l'abondant liquide doré qui s'écoule sans interruption du pressoir automatique. «C'est que les oléiculteurs, en ces premières pressions, préfèrent payer nos services en numéraires au lieu de nous laisser prélever, comme le veut une pratique ancestrale, le dixième de la quantité d'huile pressée pour pouvoir la revendre aux gens de passage», explique un propriétaire d'une huilerie automatique de Azazga. Résultat : Il n'y a pratiquement plus d'huile d'olive dans les pressoirs de la région et les gens sont contraints de laisser, en grand nombre, leurs ustensiles «faire la queue» dans l'attente d'hypothétiques «aâchour» (1/10e) que voudraient bien donner en nature certains paysans. Tout cela se passe malgré la bonne récolte d'olives annoncée dans la région et un excellent rendement atteignant les 20 litres d'huile par quintal d'olives, à en croire le propriétaire de l'huilerie. Bien au fait de cette situation, pour l'avoir vécue l'année écoulée, un autre propriétaire d'huilerie dans la même région, confirme que beaucoup de paysans préfèrent s'acquitter de leur dû en payant ses services (à 350 DA le litre) et prélever toute leur huile dans l'espoir de la revendre à 400, voire 450 ou 500 DA le litre, dans un marché sujet à une forte spéculation pour diverses raisons. En paysanne avertie, ayant eu souvent par le passé à faire don de quelques bouteilles de bons millésimes d'huile d'olive à des citadins amis, Na Ghné pense que cette spéculation est d'abord le fruit d'une forte demande sur le marché, induite par une consommation exponentielle, dopée notamment par un développement des habitudes culinaires mais aussi par les maladies liées au vieillissement accéléré de la population. «De mon temps, la consommation de l'huile était pratiquement limitée à la Kabylie et à certaines régions productrices du pays, mais de nos jours, elle garnit aussi bien le couscous des paysans que celui des citadins, qui la dédaignaient ou qui la consommaient peu», constate-t-elle. D'où également la multiplication des revendeurs occasionnels aussi bien dans les grandes agglomérations que dans les régions productrices, ce qui participe forcément, par le jeu de l'intermédiation, à la hausse du prix de ce produit recherché. Bon nombre de ces revendeurs sillonnent les pressoirs des régions productrices (Tizi Ouzou, Bouira et Béjaïa notamment) où ils raflent parfois toutes les quantités d'huile qu'ils trouvent pour les céder par la suite à des tarifs excessifs.