Ah ! qu?ils sont déjà loin ces temps indolents du socialisme de la mamelle, quand les discours pompeux, les cymbales des fanfares et les applaudissements à tout rompre, étaient notre lot quasi quotidien. Nos dirigeants étaient trop grands pour s?occuper des petites contingences de la vie quotidienne. Ils étaient trop absorbés à réussir leurs multiples révolutions culturelle, industrielle, agraire et à réaliser les plus grandes infrastructures? d?Afrique. Ainsi donc, que ce soit celui de l?air, de la mer, du rail ou de la terre, le transport des voyageurs était-il hissé au rang de quasi-monopole de l?Etat ? La Société nationale du transport des voyageurs était appelée par ses usagers : «Sauti, Negueze, Tèr, bèche Tevoyagi». Cette grosse société nationale avait le mérite de couvrir la totalité du pays. Les autocars qu?elle importait flambants neufs, à grands renforts de devises étrangères, étaient pratiquement des véhicules jetables, puisqu?il ne leur fallait pas plus de quelques mois, parfois de quelques semaines, pour être largués dans les immenses cimetières de bus de la Sntv. Aujourd?hui que l?avion des chimères s?est brutalement crashé, cette société n?est même plus l?ombre d?elle-même. La libéralisation du transport s?est faite dans la précipitation et le bricolage. Des milliers de «sociétés» privées ont été admises à assurer le transport de voyageurs autant pour les lignes urbaines qu?interurbaines. Des milliers d?autobus réformés et bons pour la casse ont été importés de toute l?Europe. Aujourd?hui, devenus incontournables et quasiment majoritaires sur la place, ces transporteurs se refusent à toute normalisation et brandissent le spectre de la grève générale à chaque velléité de l?Etat de faire appliquer un minimum de règles, telle l?obligation du contrôle technique refusée catégoriquement par tous les transporteurs privés ! Le transport interurbain des voyageurs se fait, aujourd?hui, dans des conditions déplorables. Les voyageurs sont traités comme des moins que rien. Comment peut-on laisser des gens voyager de l?extrême est à l?extrême ouest, quatorze heures durant, en plein été et en pleine canicule, sans aucune climatisation ni même une simple aération, dans un bus aux vitres scellées ?