Née après l?indépendance du Maroc, Aïcha Belkaïd est l?une des Marocaines les plus brillantes de sa génération. Auteur d?une thèse d?Etat sur le droit de la presse, spécialiste des libertés publiques, elle a été, à Rabat, la première femme nommée au Conseil consultatif des droits de l?Homme. Récemment élue administrateur de l?Institut international des droits de l?Homme René-Cassin, elle donne des cours à Strasbourg, tout en poursuivant sa réflexion sur leur application dans le monde arabe. Comment réagissez-vous à cette réforme du Code de la famille ? Avec joie. Le Maroc pourrait devenir un modèle pour les pays musulmans en voie de développement, sur tout ce qui concerne le droit des femmes. Le Code tunisien était déjà très moderniste grâce au président Bourguiba, depuis l?indépendance du pays, en 1956. Avec, en particulier, l?interdiction stricte de la polygamie et de la répudiation, passibles d?emprisonnement si la loi est bafouée et, depuis 1992, le droit pour les Tunisiennes de donner leur nationalité à un enfant né d?un père non tunisien, ce qui était impossible auparavant. En Algérie en revanche, les femmes sont toujours sous la tutelle d?un mari, d?un père ou d?un frère ; la polygamie et la répudiation sont tout à fait licites, elles ne peuvent demander le divorce. Depuis les années quatre-vingt et sous la pression des islamistes, leur situation a tendance à se dégrader. Comment en êtes-vous venue à vous intéresser aux droits de l?Homme et, par conséquent, aux droits des femmes ? Je suis née dans une famille de chefs résistants à toute occupation, des Imazighen, (des Hommes libres). Lyautey parlait de mon grand-père, Saïd ou Mohand des Aït Seghrouchen, comme d?un homme «qu?on n?arriverait pas à réduire». J?ai gardé à l?esprit ces principes d?honneur et de justice. Ma maison ressemble aujourd?hui à la zaouia de mes ancêtres, j?y accueille ceux qui ont besoin d?aide? Comment cela a-t-il été possible ? Dès le début de son règne, le roi Mohammed VI s?est déclaré en faveur du droit des femmes. Aujourd?hui, il engage une réforme en profondeur, dont il est l?initiateur, et il faut du courage pour s?attaquer à un dossier aussi brûlant dans les pays musulmans. Depuis la double marche contradictoire de Casablanca et de Rabat, où l?on a vu en mars 2000 défiler des féministes occidentalisées et des voilées «à la nouvelle mode», il était capital de sortir du statu quo sans tomber dans aucun piège. Une commission a donc été créée peu après, à l?initiative du souverain, pour étudier les différentes propositions.