Résumé de la 95e partie n Tommy s'impatiente car Haydock s'étale sur d'autres sujets, mais ne lui raconte pas encore ce qu'il sait sur Bletchley ... Le capitaine de frégate remâchait ses rancœurs. Le colonel Andrews était son ennemi favori. Haydock estimait que c'était à lui qu'aurait dû revenir le commandement des volontaires, et il était bien décidé à avoir la peau du colonel si faire se pouvait. Le valet apporta le whisky et les liqueurs. Le marin à la retraite vaticinait toujours : — Et les espions continuent de pulluler ils sont partout. C'était déjà comme ça pendant la dernière guerre - des coiffeurs, des serveurs… Se laissant aller contre le dossier de son fauteuil, Tommy saisit subitement dans son champ de vision le profil d'Appledore qui allait et venait, silencieux, et pensa en un éclair : «Des serveurs ? Ce type aurait plus la tête à s'appeler Fritz qu'Appledore…» Tiens, tiens ! Et pourquoi pas ? Le valet parlait un anglais irréprochable, mais c'était le cas de bien des Allemands : ils avaient passé suffisamment d'années à perfectionner leur connaissance de la langue anglaise dans les restaurants huppés de Londres. Et le type physique collait lui aussi. Cheveux blonds, yeux bleus... Souvent trahis par la forme du crâne... oui, ce crâne, au fait... où donc Tommy avait-il récemment vu un crâne de cette forme-là ? Le capitaine était en train de protester : — Et tous ces sacrés formulaires à remplir. A quoi ça sert, Meadowes, je vous le demande ? Des séries de questions ineptes... Mû par une impulsion subite, Tommy saisit la balle au bond : — Je vois ça d'ici. Du genre : «Quel est votre nom ? — Répondez par N ou M.» Des semelles qui glissent sur le sol. Un bruit de verre brisé. Appledore, le domestique stylé par excellence, avait fait un faux pas. Une traînée de crème de menthe maculait la manchette de Tommy et sa main. — Que... que Monsieur veuille bien m'excuser, balbutia le valet. Haydock explosa de fureur : — Espèce d'abruti ! Qui m'a fichu un manchot pareil ? Sous l'effet de la colère, le visage rougeaud du capitaine de frégate à la retraite avait viré au cramoisi. «On parle du caractère des militaires, pensa Tommy. Mais que dire de celui des marins !» Haydock se répandait en un torrent d'insultes. Appledore alignait d'obséquieuses excuses. Tommy se sentait gêné pour le bonhomme, mais soudain, comme par miracle, la colère du capitaine s'évanouit, et il redevint cordial et chaleureux comme devant : — Venez vous nettoyer. Quelle saloperie ! De la crème de menthe, je parie. Tommy le suivit à l'intérieur et se retrouva bientôt dans une luxueuse salle de bains aux innombrables accessoires. Il se débarrassa avec soin des taches poisseuses. Le capitaine, de la chambre voisine, exprimait une certaine confusion : — Je crains de m'être un peu laissé aller. Ce pauvre Appledore (à suivre...)