à l'occasion de la tenue du 1er Festival culturel du film maghrébin, le très attendu long métrage les Chevaux de dieu, du réalisateur marocain Nabil Ayouch, a été projeté mardi soir dernier à la salle El Mouggar. Inspiré du roman Les étoiles de Sidi Moumen de Mahi Benbine, ce film de 115 minutes part à la quête de l'origine du terrorisme et dévoile la forte capacité d'endoctrinement des islamistes radicaux sur des personnages infortunés et complètement perdus. Le 16 mai 2003, cinq attentats suicides frappent Casablanca faisant plus de 45 morts. Cet acte terroriste a été commis par de jeunes kamikazes. Et c'est pour comprendre comment des jeunes se sont transformés en bombes humaines que Nabil Ayouch a décidé de faire ce film. L'histoire se passe à Sidi Moumen, un grand bidonville à Casablanca dans lequel vit le petit Tarek surnommé Yachine, référence à son gardien de but préféré le Russe Lev Yachine. Le petit garçon assez tranquille est protégé par son frère ainé Hamid, un véritable dur à cuir. L'enfance de ces deux garçons se résume à des parties de football pas loin d'une décharge, des bagarres et des disputes à la maison où ils vivent avec leur frère autiste, un père complètement fou et une mère en quête d'argent. Le petit Tarek a pour ami le jeune Nabil dont la maman exerce le plus vieux métier au monde et anime des soirées à ses heures perdues. Cette dernière est d'ailleurs chassée du quartier, elle part seule laissant son fils derrière elle. A l'issue d'une altercation avec la police, Hamid se retrouve en prison. Son petit frère Tarek est obligé alors de se débrouiller, il se trouve un petit boulot dans un garage et embauche avec lui son ami Nabil. Hamid sort de prison complètement métamorphosé en islamiste radical. Hamid ne reconnaît plus son frère. A l'issue d'une tentative de viol du patron du garage sur Nabil, Tarek prend la défense de son ami et tue par accident le vieux pervers. Hamid intervient avec ses copains islamistes et camoufle l'incident, Tarek se sent alors redevable envers ces hommes. Il ne tarde pas à être gagné à leur cause radicale. Il est bien évidement rejoint par son ami Nabil le sans famille. Le changement est brutal, les jeunes hommes, à la base respirant la joie de vivre malgré la misère omniprésente, se transforment en monstres haineux aveuglés par les discours glorifiant le djihad. Dirigé par l'imam Abu Zeid, la bande de copains rejoint un camp de préparation de djihadistes. Dans ce film, le réalisateur a tenté de remonter aux origines du terrorisme, un acte issu de plusieurs facteurs, dont l'humiliation au quotidien, la démission des parents, l'indifférence des autorités, la misère, la cruauté de l'entourage, des faits pris en considération par Nabil Ayouch qui les a très bien soulignés dans son œuvre coup de poing. L'aspect psychologique et humain des personnages principaux a tellement été bien encadré que le spectateur se retrouve à éprouver de la pitié envers Hamid et ses compagnons, de véritables chairs à canon. Les chevaux de Dieu est un film dont le scenario est certes prévisible, à la limite cliché mais dépourvu de tout artifice. La misère est filmée telle quelle, il s'agit d'un film sincère et vrai. N'ayant pas vraiment compris la nature de leur engagement, les trois garçons sont parfois pris par des crises de panique suivies d'une volonté de retour en arrière mais cela est vite canalisé par l'émir Abu Zeid qui, à chaque moment, les rappelle à l'ordre et la sacralité de leur mission sur terre. N'ayant nullement le choix, Hamid, Tarek et Nabil finissent par se faire exploser. «Dans ce film il m'a fallu faire un travail d'anthropologue et de sociologue pour essayer de décrypter ces jeunes transformés en bombes», a déclaré le réalisateur présent lors de la projection. Un travail réussi puisque Les chevaux de dieu apporte un certain éclairage sur les origines du djihad et montrent aussi que ce sont les plus paumés qui en payent le prix fort. Le film montre aussi qu'on ne naît pas terroriste mais qu'on le devient par la force des choses et des circonstances. Ce long métrage multi primé est aussi une œuvre violente qui pousse à la réflexion mais qui trouble le spectateur qui, à la fois, condamne mais a pitié. On saluera aussi l'excellente interprétation des comédiens qui crèvent le grand écran, mais aussi celle des petits garçons, «les kamikazes enfants», qui ne sont pas comédiens à l'originemais que le réalisateur a déniché au bidonville. W. S. M.