L'ONU, dans son rapport annuel sur le trafic de stupéfiants, vient de déclarer le Maroc premier producteur et exportateur de drogue illicite au monde. Notre voisin de l'Ouest a, désormais, détrôné la Colombie, l'Afghanistan, le Mexique et la Birmanie. La culture traditionnelle du chanvre dans la région du Rif marocain remonte, selon les historiens, au VIIe siècle. Durant plus d'un millénaire, le cannabis consommé en Europe et au Moyen-Orient y provient principalement. Depuis le début des années 2000, le narcotrafic marocain, jusque-là artisanal, est passé à l'étape industrielle. La prolifération des stups dope conséquemment la toxicomanie. En 2008, l'ONU a estimé le nombre de consommateurs de cannabis à 166 millions, établis essentiellement aux Etats-Unis et en Europe. Aujourd'hui, «la majeure partie de la drogue qui circule à l'échelle mondiale provient du Maroc suivi de l'Afghanistan», avertit Youri Fedotov, le président de l'organisme onusien spécialisé (Onudc), à l'occasion de la Journée internationale de lutte contre le trafic et l'abus de drogues. Dans un autre rapport, l'Organisation internationale de contrôle de stupéfiants (Oics) avait également souligné que «72% de la quantité de totale de résine de cannabis saisie par les autorités douanières dans le monde en 2011 provenaient du Maroc». Pays frontalier et immédiatement concerné, l'Algérie en a saisi ces dernières années des quantités phénoménales. Durant l'année 2012, le cumul des prises opérées s'élève à 157 tonnes de résines de cannabis. Au cours des 9 premiers mois de 2013, on est déjà à 127 tonnes. Selon les déclarations des autorités marocaines, une superficie de 47 500 hectares serait aujourd'hui consacrée à la culture intensive du chanvre indien. Un chiffre effarant que les spécialistes estiment bien en deçà de la réalité, puisque le Royaume n'autorise plus les enquêtes de l'Onudc sur place depuis 2005. On estime les domaines cultivés à 72 000 hectares, loin devant l'Afghanistan avec 12 000 ha. La production annuelle marocaine est de l'ordre de 38 000 tonnes d'herbe et 760 tonnes de résine de cannabis. Un véritable cancer qui mine la santé publique et la stabilité régionale. «C'est un danger pour le voisinage !», alerte Youri Fedotov. Le marché de la drogue est évidemment l'un des principaux facteurs d'instabilité économique et politique dans le monde. L'argent sale qui en résulte échappe à tout contrôle. Souvent, il sert le crime organisé, alimente le terrorisme et pollue l'environnement économique. Comme l'a révélé un rapport du Sénat américain en 2012, le blanchiment et la manipulation de narcodollars par la Hsbc auraient pu financer les réseaux terroristes. L'institution bancaire s'en est, alors, tirer d'affaire à bons frais, en payant simplement une amende de 1,92 milliard de dollars. Une autre enquête sénatoriale a estimé que «chaque année, entre 300 milliards et 1 trillion de dollars d'origine criminelle sont blanchis par les banques à travers le monde». Ces fonds toxiques, à travers des connexions évidentes avec le trafic d'armes et le recrutement de mercenaires, entretiennent les rebellions et les guérillas dans de nombreux pays pauvres. Cela génère des morts, des blessés, des sans-abri et des réfugiés. L'impact direct sur la santé publique est également désastreux. Le traitement des nombreuses maladies induites par la drogue se chiffre en milliards de dollars. Les experts estiment qu'il faudrait 200 à 250 milliards de dollars pour couvrir convenablement tous les coûts liés à toxicomanie. A cela s'ajoute la perte de productivité, la hausse de la criminalité, les problèmes liés à la sécurité et à la cohésion sociale. Il est temps de lutter avec fermeté contre ce mal latent qui ronge de l'intérieur l'humanité toute entière. Les pays qui tolèrent la production à grande échelle de ce poison, doivent être rangés et traités comme des Etats voyous. Ils incarnent tout simplement la mort lente et la souffrance. K. A.