La femme dans ses multiples facettes, sa sensualité, sa force de caractère, sa touchante vulnérabilité et son don d'aiguiser et de dompter les sens, était au cœur de la cinquième soirée du Festival international de danse contemporaine d'Alger, qui se poursuit jusqu'au 22 novembre prochain au Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi, à travers les prestations des troupes du Liban, d'Espagne, d'Algérie et de la Tchéquie. Lamia Seifeddine, chorégraphe et danseuse libanaise, est la première femme de la soirée à avoir ensorceler le public avec Lilith, une sublime performance tant sur le plan artistique que sur le plan technique. Plusieurs figures sophistiquées ont mis en relief la beauté du corps de la femme dans des gestes amples, sur une poésie enivrante de Mahmoud Darwich et une musique de Marcel Khalifa. Musique et poésie habitent le corps sculptural de la danseuse libanaise, créant une véritable symbiose entre la puissance de la rime et la délicatesse du geste. A travers cette myriade étincelante de rimes et de notes de luth, le public sera envouté par le spectacle, tel une invitation à la découverte de toute la complexité de la personnalité féminine, dans toutes ses contradictions et ses paradoxes. Le courage et l'obstination de la femme face aux difficultés, à la violence qu'elle subit à aller de l'avant, à surmonter tout cela. Une obstination qu'elle illustre avec son corps, qui bouge sans cesse, qui fait des va-et- viens tout au long de la scène qui exprime la lutte, qui tombe et se relève à chaque fois Ainsi, le spectacle revisite le mythe antique de Lilith, tel un hymne à la femme. Un mythe d'origine mésopotamienne. A ce propos, la chorégraphe explique qu'il s'agit d'«une femme qui refuse de subir le sort d'une femme résignée et soumise. Selon le mythe, Dieu créa au départ Adam et Lilith, avant de la remplacer par Eve. Il créa Adam et Lilith égaux. Elle assumait son côté masculin et n'était pas inférieure à ce dernier. Mais comme Adam refusait d'assumer, ne serait-ce qu'une infime partie, sa féminité, Lilith le quitte. Du coup, elle fut damnée, déchue et devint symbole d'une féminité à connotation péjorative. Et, à sa place, Dieu créa Eve juste pour servir Adam, elle se soumet à lui. Elle a été créée de sa côte, donc elle n'est pas indépendante. Elle dépend de lui». Au tombé de rideau, ce spectacle, véritable hymne à l'émancipation de la femme, a été fortement applaudi par tout le public qui a gratifié Lamia Seifeddine d'un standing ovation. La compagnie espagnole Dantzaz, a également gratifiée le public d'un véritable spectacle en hommage à la femme et à sa dualité sensuelle et candide à travers son spectacle intitulé Cameleon. Tout le long du spectacle, les danseuses effectuent leurs chorégraphies sur des chaises, mettant ainsi en valeur l'agilité de leurs membres qui invitent à une véritable découverte de l'expression corporelle de la pointe des pieds, aux mouvements aériens des cheveux. Sur un solo de piano de John Cage, dans une atmosphère feutrée, invitant à la découverte du corps sublimé, une tenue sombre mettant en valeur les courbes interminables des jambes et des bras gracieux. Au rythme des notes, les mouvements se synchronisent en de grands écarts aériens, des pointes et des entrechats dévoilant la parfaite maîtrise des techniques de la danse. Les danseuses dégagent une juvénile sensualité toute en candeur et en délicatesse, telles des nymphes découvrant leur enveloppes charnelles et leur corps fermes. Les bras s'envolent dans les airs tel le battement de papillon se libérant de sa chrysalide. Le spectacle espagnol a été suivi par l'excellente performance de la compagnie algérienne Profil qui a montré qu'il existe un véritable potentiel en Algérie capable d'innover et d'offrir un spectacle emprunt de modernité. La pièce Chemin des femmes a mis en valeur également l'émancipation de la femme mais en gardant le socle de ses valeurs patrimoniales avec la mise en valeur du haïk en tant qu'accessoire de scène et qui est symbole de la résistance des femmes face à la violence des hommes, à travers les différents tableaux présentés par quatre jeunes filles et quatre jeunes garçons qui ont plaidé dans le final pour une véritable reconnaissance de la femme dans un monde d'hommes. Le final de la soirée a été donné par le duo de danseuses tchèques de Vertdansce qui, dans une atmosphère hivernale, avec la présence de la pluie et du brouillard sur scène, a offert un véritable tableau émouvant sur la solitude, la tristesse et l'absurdité que subissent les femmes dans un monde qui veut les confiner dans un espace restreint. S. B.