Le football, sport le plus affectionné au monde, se vend très bien et trop cher. La guerre de l'audimat oblige, les grandes chaînes de télévision se font une rude concurrence pour s'octroyer les droits de retransmission des rencontres. Incontestablement, le foot offre aujourd'hui le plus grand spectacle populaire au monde, et ses fans se comptent en milliards. La moindre compétition du sport-roi suscite une surenchère incroyable. La Ligue des champions et l'Europa Ligue sont cédés en centaines de millions d'euros. Le premier championnat d'Angleterre, rien que pour la diffusion domestique, rapporte 755 millions de livres. En France, les calendriers des deux ligues (1 et 2) coûtent 668 millions d'euros. La Coupe d'europe des nations, la CAN ou Coppa America se chiffrent aussi en centaines de millions de dollars. Les instances nationales et internationales du jeu à onze se font plein de «blé», mais les inconditionnels sont saignés à blanc pour s'offrir le fameux sésame qui leur permettrait de voir évoluer leurs équipes fétiches. Aujourd'hui, cette question des droits TV est même devenue un moyen de pression entre les mains de grands médias qui font chanter, parfois, des Etats entiers. Pour permettre aux Algériens de voir la manche aller du match barrage qualificatif au Mondial-2014, Algérie-Burkina Faso, Al Djazeera Sport aurait, entre autres conditions, exigé l'accréditation d'un bureau de la chaîne à Alger. Ce chantage aurait poussé la télévision algérienne à pirater le match en s'exposant aux poursuites judiciaires. C'est dire que, désormais, les enjeux dépassent largement le jeu. On dit souvent que le foot est un sport de pauvres, d'où sa popularité. Ces dernières années, ces pauvres y sont de plus en plus exclus par des affairistes puissants qui achètent chèrement tous les droits pour les revendre plus cher encore. Glosant le dictat audiovisuel de Canal+ Sports en France, un français, féru du ballon rond, a laissé ce commentaire sur Internet : «Cette chaîne a pompé un max de fric aux fans du foot pendant des années. Cela ressemble à du racket !». Pour le Mondial brésilien de l'été prochain, les téléspectateurs, aux quatre coins du monde, s'inquiètent déjà. Les télévisions publiques des 32 pays qualifiés auront-elles des ressources suffisantes pour montrer les rencontres de leurs pays respectifs ? Cette question taraude des millions d'Algériens. Lors du Mondial sud-africain de 2010, l'Eptv avait, pour rappel, acquis les droits de retransmission de dix rencontres sur un total de 64 matchs. Pour cette 20e édition de la Coupe du Monde, le marché s'annonce serré. La chaîne française TF1 a acquis en 2005 l'exclusivité des droits de diffusion du Mondial-2014 pour un montant de 130 millions d'euros contre 120 millions pour le Mondial-2010, soit une plus-value de 10 millions d'euros. Après la qualification de l'équipe de France, la chaîne du groupe Bouygues s'apprête à monter davantage les enchères. La vente, il y a trois ans, de 37 matchs pour le groupe public France Télévisions et Canal + lui avait déjà rapporté 33 millions d'euros. En somme, le coût de l'exclusivité des grands-messes du ballon rond est en croissance permanente. Des budgets colossaux sont dégagés à cet effet, mettant, en aval, les petites bourses à rude épreuve. La prochaine édition est toujours plus chère que la précédente. A ce rythme, le foot sera inaccessible aux pauvres. Les instances internationales doivent sérieusement réfléchir à cette problématique. La FIFA et ses démembrements continentaux et nationaux doivent absolument revoir cette stratégie pour permettre à un maximum de terriens de voir leur spectacle favori. La théorie du gain et du bénéfice, qui a déjà ruiné l'économie mondiale, finira par les atteindre, eux aussi. Il leur appartient d'élaborer une nouvelle alternative qui fera en sorte que le foot soit toujours un sport de «pauvres». Sinon, l'édifice risque, à tout moment, de s'effondrer. Les premiers symptômes sont déjà visibles : piratages, troubles... K. A.