Dans la revue de presse matinale, on trouve évidemment de bonnes et de mauvaises nouvelles. Dans la seconde catégorie, il y en a, parfois, qui sont carrément infectes au point de vous gâter le reste de la journée. L'information, rapportée hier dans ces colonnes, relative au «trafic» de notes au département de biologie de l'Université Badji-Mokhtar d'Annaba, donne franchement envie de gerber. Plus de 200 étudiants auraient ainsi «réussi» à majorer leurs résultats pédagogiques, moyennant des dessous-de-table et des interventions malsaines, pour accéder à des niveaux supérieurs de formation. «Cette pratique est courante, en dehors du fait que des notes ont été achetées. Il y a aussi des notes de complaisance [...] La corruption et le népotisme ont gangrené cette institution qui, en principe, doit être à l'abri de ces pratiques», témoigne un étudiant. Bien sûr, une fois le pot aux roses publiquement découvert, l'administration avait promptement réagi en prenant de sévères sanctions disciplinaires à l'encontre des étudiants concernés. Cet empressement reste cependant insuffisant si l'on ne démasque pas les véritables auteurs de ce massacre. Le personnel administratif ou pédagogique impliqué doit aussi rendre des comptes et payer au prix fort l'incommensurable préjudice moral causé à l'établissement. Il s'agit d'un délit de la plus extrême gravité qu'on ne peut indéfiniment étouffer par de petites mesures internes. Les autorités judiciaires ne peuvent rester éternellement insensibles face à ce fléau dont les incidences sont autrement plus dangereuses que la contrefaçon industrielle ou l'impression de faux billets de banque. Délivrer un faux diplôme est un crime. En plus des sanctions éthiques de leurs pairs, les coupables devraient être poursuivis au pénal pour de tels dépassements qui tendent, preuve supplémentaire, à se généraliser à travers tout le territoire national. A Oran, il y a de cela deux ans, une falsification de relevés de notes du baccalauréat avait permis à quelques étudiants, tous rejetons de notabilités locales, de s'inscrire en médecine et pharmacie. Le scandale a été vite contenu intra-muros. L'année suivante, toujours dans la même wilaya, une sordide affaire de faux bacheliers éclate au grand jour, mettant en cause plus de 200 personnes. Devant l'immobilisme de la justice et des autorités compétentes, à la dernière session du baccalauréat, des milliers de candidats, à l'est comme à l'ouest du pays, ont ouvertement recouru au copiage et à la triche en menaçant physiquement leurs encadreurs. Ce phénomène, en plus de saper profondément la crédibilité de tout le système de formation, menace, désormais, l'ordre public. L'Office national des examens et concours (Onec) et le ministère de l'Education nationale (MEN) se sont également démenés pour annuler les résultats des lycéens incriminés, mais sans plus. Oui, il reste encore à faire une investigation sérieuse sur les soubassements réels et les causes profondes de cette descente aux enfers. On ne refait pas le monde : un tricheur, c'est dans l'ordre naturel des choses, doit être sévèrement puni. C'est une question fondamentale qui n'admet aucune négociation. La morale exige aussi que les chefs des établissements concernés et les enseignants assument des responsabilités à ce sujet. Le mal touche aussi de plein fouet le secteur de la recherche scientifique où le plagiat et le «copier-coller» se sont dramatiquement banalisés. Récemment, la presse spécialisée en France avait «démasqué» quatre pseudo docteurs algériens qui auraient traduit des «mémoires» d'homologues iraniens et turcs pour s'offrir, sans peine aucune, le statut qui est aujourd'hui le leur. Le Dr Ahmed Rouadjia, professeur d'université (Msila), dans un article explicite sur la question, a répertorié plus d'une dizaine d'autres cas similaires, soulevés par la presse étrangère ou par les auteurs «pompés», eux-mêmes. Parmi les plaignants on trouve, cette fois, des chercheurs égyptiens, français et belges, entre autres. «Alors que les compétences internes sont marginalisées ou poussées à leur corps défendant à l'exil devant le triomphe croissant de titulaires de diplômes douteux, de doctorats bâclés, suite aux complaisances et au favoritisme, celles de l'extérieur sont regardées sinon avec méfiance, du moins avec indifférence», écrit-il à ce propos. Le problème est en effet très dangereux et exige impérativement des solutions efficaces. Pour reprendre les propos d'une politicienne de chez-nous, les universités algériennes ressemblent, de plus en plus, à de vulgaires imprimantes de diplômes. Les universitaires algériens -les vrais, bien sûrs- et la tutelle doivent œuvrer dès à présent pour stopper au plus vite cette terrible mascarade. Les autres institutions de l'Etat, la justice en premier, n'ont pas le droit, non plus, de rester insensibles face à cette monstrueuse catastrophe. K. A.