La transition politique en Tunisie a franchi une étape importante depuis dimanche dernier. L'Assemblée nationale constituante tunisienne a finalement adopté la nouvelle Constitution du pays. Plus de trois ans après la révolution qui avait été chronologiquement à l'origine de ce qu'on appellera le «printemps arabe», l'évolution politique d'importance est aujourd'hui une réalité. Les élus de l'Assemblée nationale constituante ont approuvé la loi fondamentale à une majorité écrasante de 200 voix pour, 12 contre et 4 abstentions. La mission aura finalement été menée à bien dans l'intérêt de toute la Tunisie, malgré plusieurs périodes de difficultés. Les élus tunisiens ont célébré l'évènement en chantant l'hymne national, les doigts en signe de victoire. L'événement est en effet d'une grande portée symbolique. Et dont l'effet dépasse largement les frontières de ce pays d'Afrique du Nord. Cette Constitution préserve les acquis et jette les fondements d'un Etat démocratique. Ce texte consacre un exécutif bicéphale et introduit un objectif de parité homme-femme dans les assemblées élues. Plusieurs compromis visent à éviter une dérive autoritaire dans un pays qui a connu plus d'un demi-siècle de dictature, sous Habib Bourguiba, puis sous Ben Ali. Mais aussi à rassurer ceux qui craignaient une tentation des partis d'obédience islamiste d'imposer leur vision. L'Assemblée en question a été élue en octobre 2011 et devait à l'origine achever la loi fondamentale en un an. Cependant ses travaux ont pris un retard considérable. Des crises à répétition sont venues perturber, voire mettre en péril, le processus. Aujourd'hui l'adoption de cette Constitution est saluée et qualifiée «d'étape historique». La Tunisie pourrait bien constituer un possible «modèle pour les autres peuples aspirant à des réformes», selon des observateurs. Pour peu que les acteurs politiques en Tunisie s'engagent positivement dans les prochaines étapes de la transition. La croissance économique sera le véritable futur challenge du gouvernement tunisien. Cette mutation politique propulse la Tunisie dans une phase vertueuse. Le Premier ministre, Mehdi Jomaa, a présenté la composition de son gouvernement d'indépendants que l'Assemblée devrait approuver prochainement. Jomaa, ministre sortant de l'Industrie, avait été choisi en décembre par la classe politique, après de longues négociations. L'objectif était de former un cabinet apolitique à même de conduire la Tunisie vers des élections courant 2014, et de sortir le pays de la profonde crise politique qui le bloque. L'assassinat en juillet 2013 du député d'opposition Mohamed Brahmi, avait plongé le pays dans une profonde consternation. Le pessimisme sur l'avenir du processus politique gagnait toute la Tunisie. Mais les Tunisiens dans leurs différences politiques et idéologiques sont finalement arrivés à s'entendre. Le nouveau gouvernement composé de personnalités réputées indépendantes et apolitiques, comprend 21 ministres, dont deux femmes. Le portefeuille des Finances est revenu à un économiste passé par la Banque africaine de développement, Hakim Ben Hammouda, celui des Affaires étrangères à un ancien responsable de l'ONU, Mongi Hamdi. Le ministre de l'Intérieur Lotfi Ben Jeddou, dont la nomination a été à l'origine du blocage de la formation du gouvernement, a finalement été reconduit. Avec cette évolution politique marquante, la Tunisie s'impose comme une belle leçon de démocratie dans le monde arabe. Le pays qui inspira les soulèvements qui ont ébranlé la sphère arabe sera finalement quasiment le seul à arriver à un niveau de consensus politique aussi marquant. Beaucoup d'observateurs, confortés par la transition difficile depuis l'éclatement de la révolution du jasmin, ne donnaient pas cher au processus engagé. L'histoire les démentira avec l'adoption de la Constitution après un processus long et laborieux. La Tunisie est passée par des périodes de doute voire de démobilisation, mais n'a jamais dévié du cap engagé au départ. Celui de reconstruire les institutions du pays selon un processus le plus consensuel possible. Aujourd'hui, une véritable sortie de crise se dessine mieux, selon Samir Dilou, ministre des Droits de l'homme, «la Tunisie, qui a inauguré le printemps des révolutions arabes, peut espérer maintenant inaugurer le printemps des démocraties arabes». M. B.