Des milliers de Tunisiens, laïques comme islamistes, ont célébré mardi le troisième anniversaire de la chute du président Zine ben Ali, aboutissement de la révolution qui devait ouvrir la voie au "printemps arabe". Dans la capitale, Tunis, la foule s'est rassemblée sur l'avenue Habib Bourguiba en agitant des drapeaux et en scandant des slogans, non loin du ministère de l'Intérieur devant lequel les manifestants criaient lors de la "révolution de jasmin" en 2011 "Dégage !" à l'adresse de Ben Ali. Cette révolte contre un régime autocratique avait été le point de départ des soulèvements en Libye, en Egypte, au Yémen et en Syrie. Si dans ces pays les troubles, voire la guerre, n'ont pas cessé depuis lors, la Tunisie, elle, poursuit malgré les difficultés sa transition démocratique. Un nouveau Premier ministre, Mehdi Jomaâ, a pris ses fonctions vendredi après la démission du gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda. L'accord conclu entre Ennahda et l'opposition laïque, qui vise à mettre fin à trois années de crise politique, prévoit la tenue dans le courant de l'année d'élections que devra préparer le nouveau gouvernement composé de personnalités indépendantes. Mehdi Jomaâ, un ancien ministre de l'Industrie, dirigera cette équipe de techniciens qui devra notamment lancer les réformes économiques réclamées par les bailleurs de fonds internationaux de la Tunisie et faire face à la menace djihadiste. "Personne, aujourd'hui, ne remettra en question ces résultats", déclare dans un groupe de manifestants laïques à Tunis Salem Bouzidi, un routier qui s'est couvert du drapeau national. "C'est comme un nouveau départ pour tout le monde et quel que soit le vainqueur des prochaines élections, il aura vraiment la victoire !", ajoute-t-il. "TOUJOURS COMME AVANT" Plus loin, parmi les manifestants islamistes, Solaf el Hammami, un étudiant, loue l'attitude "responsable" d'Ennahda qui, assure-t-il, remportera les prochaines élections. Mais pour une partie de la population, rien n'a vraiment changé depuis la révolution. "Nous avons nos problèmes, nos problèmes quotidiens et la révolution n'a pas vraiment changé nos vies", dit Azzedine, un commerçant du quartier pauvre d'Ettahdamon à Tunis, où des jeunes ont affronté la police la semaine dernière. "Ici, c'est toujours comme avant la révolution." La composition du gouvernement doit être annoncée dans les prochains jours. Le prédécesseur de Jomaâ, Ari Larayedh, qui a démissionné jeudi, avait été chargé en février dernier de diriger le gouvernement. Sa démission était la conséquence d'un accord conclu entre les islamistes d'Ennahda et l'opposition laïque pour sortir la Tunisie de l'impasse politique. Le meurtre de deux figures de l'opposition, Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, en février et juillet 2013, a précipité la crise. Dans le cadre de l'accord conclu en décembre, Ennahda a accepté de céder le pouvoir à un gouvernement intérimaire apolitique après l'adoption d'une nouvelle Constitution ainsi que d'un calendrier électoral, et la formation d'une commission chargée de superviser les scrutins à venir. Cette commission, l'Instance supérieure indépendante pour les élections, a été formée la semaine dernière. L'Assemblée constituante progresse, elle, dans la rédaction d'une nouvelle loi fondamentale. Si la crise politique semble s'estomper, les problèmes économiques s'imposeront vite au nouveau gouvernement contraint de réduire les déficits des comptes publics dans un contexte de fort mécontentement social en raison de la hausse du coût de la vie et de la pénurie d'emplois depuis la "révolution de jasmin".