Les différentes étapes de l'opération de restauration du Palais d'Ahmed Bey ont été mises en relief au cours d'une table ronde organisée jeudi à Constantine à l'initiative de l'association «Amis du Palais», en coordination avec le Musée national public des arts et expressions populaires traditionnelles rapporte l'APS. Nouar Sahli, archéologue et président de l'association, a souligné, devant un auditoire constitué d'archéologues et d'hommes de culture, le caractère «spécifique» de cette opération de restauration. Une opération aussi ardue que pointue qui a cependant permis aux différents restaurateurs de nourrir leurs expériences et de consolider leurs savoir-faire d'autant, a-t-il dit, que la restauration de tels lieux permet de conserver et de révéler la valeur esthétique et historique en se fondant sur le respect de la substance ancienne et en se référant à des documents authentiques indispensables pour toute réhabilitation. Sahli a indiqué, à l'APS que dans ce contexte, que la restauration doit être précédée et accompagnée par une étude du monument basée sur des recherches géodésiques, archéologiques, architecturales et artistiques. Les débats ont été suivis d'une projection vidéo sur les différentes étapes de la réhabilitation du Palais du Bey, dont la construction a été entamée en 1825 pour être entièrement achevée dix ans après. Le maître des lieux, Ahmed Bey, dernier des beys de Constantine, y a vécu deux ans seulement avant d'en être chassé, juste après la chute du beylicat de l'Est en 1837. Fasciné par les palais qu'il visita en Orient, Ahmed Bey, décidera d'édifier un ksar somptueux, n'ayant rien à envier aux plus belles demeures de l'époque. Pour cela, il en confia, en 1826, la construction à deux illustres artisans algériens formés à Tunis et Alexandrie, dont le fameux El Hadj Youcef Barrar, que le souverain vassal fait venir d'Egypte, alors que les vitraux et les ouvrages de ferblanterie seront exécutés par des Juifs de Tunis. Selon certaines sources historiques, le bey, soucieux de l'originalité des ouvrages d'ornementation, chargera un commerçant génois de faire venir les matériaux nécessaires. On y trouve des faïences italiennes et espagnoles, aux bigarrures florales et végétales, garnissant les lambris des murs du palais, notamment ceux du rez-de-chaussée et de la galerie du premier étage. Les appartements du bey communiquent avec le harem et la chambre des baigneuses. Ce sont des salons mauresques, en forme de T, comprenant tous des boudoirs, qu'on appelle «maksouras». Plus loin, vers le Sud, c'est la salle du Diwân, ou d'audience, où ce dignitaire administrait les affaires de la cité. Les sous-sols, qui servaient d'écuries à l'époque ottomane, seront plus tard transformés en geôles par les Français. D'innombrables pièces garnissent l'étage. Le palais est composé d'un rez-de-chaussée avec jardins et coures, d'un sous-sol, de 27 galeries qui distinguent l'édifice par la fraîcheur qu'elles produisent et font circuler l'air en période de grandes chaleurs, ainsi que de 250 colonnes de marbre de diverses provenances méditerranéennes, structurant les 121 salles et les 500 portes et fenêtres en bois de cèdre sculptés et richement colorés en rouge, vert et jaune à l'instar de tous les faux plafonds. Une inestimable polychromie orne les murs du palais sur 1 600 m2 et permet la datation et la lecture des différents événements historiques telles les batailles auxquelles a pris part le Bey aux côtés du Dey d'Alger, ainsi que ses différents voyages au Moyen-Orient et à la Mecque. L'impression de magnificence est accentuée par ce que fut la «cour principale», ce patio qui défie son âge et résiste stoïquement aux assauts répétés de l'érosion et de la lente dégradation aggravée par l'indifférence des hommes. Entourée d'un péristyle de cinq arcades que l'on trouve sur chaque côté, cette cour témoigne que cette partie du bâtiment était autrefois une maison isolée, annexée au palais par la suppression de l'un des murs de séparation remplacé ensuite par une colonnade. Selon un document d'archives, la cour de cette maison fut transformée en un vaste bassin où les femmes pouvaient prendre des bains froids. L'eau jaillissante s'élevait à une grande hauteur et retombait en cascades dans de vastes coupes superposées et d'inégales dimensions, sur le bord desquelles un artiste avait sculpté d'élégantes rosaces et de gracieuses sinuosités. S. B.