Là où se tourne le regard, il tombe sur un vestige de ce passé précieux qui a valu à la vallée du M'zab d'être inscrite par l'Unesco sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité. Mais une inscription n'a jamais été synonyme de préservation. Les sites patrimoniaux de Ghardaïa, à l'instar d'autres vestiges à travers le territoire, vivaient toujours sous la menace d'attaques, du temps et des hommes. C'est celle des hommes qui sera la plus destructrice. Plusieurs édifices et biens culturels ont été vandalisés, pillés et/ou incendiés lors des émeutes qu'a connues la région durant ces deux dernières années. Après le retour au calme, grâce au déploiement des forces de sécurité, la direction de la culture de la wilaya a décidé de se pencher sur l'ensemble des biens culturels touchés par les actes de vandalisme. Ainsi, une opération de restauration et de remise en état de ces sites sera entamée prochainement, rapporte l'APS citant le directeur de cette institution, Brahim Baba-Addoun. L'opération est financée par l'Etat. Les travaux toucheront l'édifice du siège de l'Office de la protection et de la promotion de la vallée du M'zab (Opvm), qui a contribué activement à la préservation des biens patrimoniaux de la vallée, le patrimoine immobilier et les biens culturels ancestraux. Pour l'heure, les responsables ont ciblé une dizaine de monuments funéraires et espaces de prière classés, des placettes dans le ksar de Ghardaïa ainsi que des mahdrates (écoles coraniques pour enfants), a expliqué M. Baba-Addoun. Dans un premier temps, des experts en préservation et restauration du patrimoine culturel et architectural procéderont à un diagnostic détaillé et exhaustif des lieux et sites devant bénéficier de travaux de confortement, restauration et/ou réhabilitation. Parmi les lieux affectés par les événements de Ghardaïa figurent le cimetière Ammi Saïd-El-Djerbi datant de l'an 1500, le siège du conseil Ammi Saïd, la plus haute autorité religieuse du rite ibadite, le mausolée Ammi Moussa, les cimetières Baba Aïssa Oulawan et Baba Oudjema et les mausolées des premiers fondateurs du ksar de Ghardaïa en l'an 1100 et concepteurs de ce fameux système d'irrigation ancestral et des puits capteurs traditionnels. L'action de l'administration a trouvé bon écho au sein de la population qui s'est impliquée activement et a même pris les devants. Hier, des volontaires parmi les habitants du M'zab se sont chargés du nettoiement du cimetière de cheikh Ammi Saïd, fondateur du rite ibadite, situé dans le centre-ville de Ghardaïa et de la restauration des tombes souillées lors des malheureux événements qu'a connue Ghardaïa. Des membres du conseil Ammi Saïd ont assisté à l'action de volontariat et ont même mis la main à la pâte. Les volontaires ont chaulés les murs, nettoyés les accès au cimetière et les passages entre les tombes ainsi que la place de prière. «Tout ce monde est venu pour participer à cette action et confirmer son attachement à son patrimoine», dira un des organisateurs de l'opération cité par l'APS. «La présence de cette foule traduit nettement le respect qu'elle porte à nos aïeux», ajoutera-t-il. «Par cette action, nous assurerons qu'il y a des gens qui construisent et pas seulement des gens qui détruisent», renchérira un étudiant qui soulignera la nécessité de préserver le patrimoine ancestral. La vallée du M'zab, qui couvre 4 000 hectares et compte quatre communes (Ghardaïa, Bounoura, El Ateuf et Daya Ben Dahoua) regroupe une pentapole de ksars fortifiés (Béni Izguène, El Ateuf, Ghardaïa, M'lika et Bounoura). Fondée au 10e siècle, ces villes antiques se caractérisent aussi bien par leur architecture traditionnelle que par l'organisation des rapports sociaux et de la vie économique au sein de la communauté, chaque famille ayant des droits et des devoirs bien établis. Ainsi, le travail dans les palmeraies, l'entretien du système ancestral d'irrigation ainsi que la distribution équitable des ratios d'eau pour chaque parcelle de terre de la palmeraie et le nettoyage de la ville sont réglementés. Chaque famille doit y participer. C'est cette organisation ainsi que les vestiges patrimoniaux estimés à plus de deux cents sites, qui a permis à la vallée du M'zab d'être enregistrée en tant que patrimoine universel avant d'être inscrite par le ministère de la Culture comme secteur sauvegardé. Ce statut permet de mettre à l'abri le périmètre désigné de toute agression urbanistique grâce à l'élaboration d'un plan de sauvegarde en conformité avec la loi 04/98 sur le patrimoine. Avec un tel arsenal juridique et des actions conséquentes, Ghardaïa pourra assurer la préservation de ses vestiges patrimoniaux. Mais préserver un bien culturel ne doit pas être une fin en soi. Car, un site subira toujours des agressions et a besoin d'un entretien permanent, donc d'un budget. Or, on ne peut débourser indéfiniment pour entretenir des vestiges, d'où la nécessité de leur exploitation en tant que produit touristique qui assurerait des rentrées d'argent dont une partie pourra être réservée à leur entretien. H. G./APS