La ministre de la Culture, Nadia Labidi, a inauguré, le 14 juillet dernier, un cycle de rencontres et de consultations directes avec les artistes et les opérateurs culturels. Dans la soirée, en guise de veillée de Ramadhan, Mme Labidi échange les idées avec les représentants d'une discipline artistique donnée, histoire de faire un inventaire approximatif sur la situation dans chaque filière d'activité. Les arts plastiques, le cinéma, le théâtre, la musique, la chorégraphie et la littérature, chaque discipline sera à l'ordre du jour, l'espace d'une soirée ramadanesque. Les artistes voulant participer à ces débats peuvent s'inscrire librement sur le site électronique du ministère ou se faire enregistrer à l'accueil lors de chaque rencontre. L'initiative est louable. En instaurant cette saine tradition du dialogue direct, la tutelle et les artistes sont bien partis pour examiner ensemble les contraintes rencontrées et esquisser des réponses préalablement concertées. C'est, en quelque sorte, de la démocratie participative, gage de transparence qui permet de gagner du temps en dépassant un tas de malentendus, de rumeurs et de méfiances. Il est clair, qu'il n'est pas possible de réunir tous les plasticiens algériens, par exemple, en une seule soirée à Alger et de les écouter, ensuite, un par un. Il y a ceux nombreux qui résident loin de la Capitale, et qui ne peuvent se déplacer rien que pour une soirée d'échange à bâtons rompus. D'autres sont à l'étranger ou ont été retenus par des engagements. Tous ces acteurs indisponibles ont, bien sûr, leur mot à dire à la ministre. Le mérite premier de ces discussions, c'est justement de briser la glace qui sépare d'ordinaire les faiseurs de culture et leur administration. Mais sinon, les insuffisances du secteur et les difficultés des artistes sont connues de tous et partagées. Les plasticiens, par exemple, se plaignent souvent de plusieurs carences dont l'absence d'un marché de l'art, la faiblesse de la demande, le manque d'établissements de formation, la rareté des espaces de rencontres et de débats, la faiblesse de la critique et le recul conséquent de la production sur les deux plans qualitatif et quantitatif. Dans d'autres domaines comme le cinéma et le théâtre, on demandera aussi à la ministre d'investir de l'argent public dans l'infrastructure et les équipements, d'encourager et de promouvoir. Mais la vraie question, la seule qui compte réellement, consiste à savoir pourquoi durant les années 1970 et 1980, avec infiniment moins de moyens qu'aujourd'hui, la culture et les arts algériens étaient mieux représentés et largement plus reconnus à l'étranger. Cinéastes, plasticiens, dramaturges ou écrivains, les œuvres de nos compatriotes étaient, alors, très appréciées et souvent récompensées lors des grandes rencontres et concours internationaux. Où est le problème ? Crise collective d'inspiration ? Recul du système de formation ? Inadaptation aux nouvelles tendances artistiques ? Manque de motivation ? Insuffisance de la promotion ? Ces rencontres préliminaires servent, également, de brouillon à des conférences nationales pour chaque discipline, prévues après la rentrée sociale. Ces colloques, qui seront certainement rehaussés par une participation nombreuse et qualitative, doivent absolument traiter cette question essentielle avant de se pencher sur les déficiences matérielles et les gratifications : ne faut-il pas faire de la formation de qualité un cheval de bataille pour élever au plus vite le niveau de la production culturelle nationale ? Ouvrir des écoles (publiques et privées) de musique, de beaux arts, d'arts de la scène, de l'audiovisuel pour redonner aux filières culturelles l'intérêt qu'elles méritent. Cet effort, s'il est mené sans complaisance, sera certainement d'un impact positif dans la dynamisation constante du secteur de la culture. Investir dans l'humain, en premier, avant de regarder plus loin. Il faut commencer par le commencement. K. A.