Soixante ans se sont écoulés depuis le déclenchement de la Guerre de libération nationale et le moudjahid Belhamiti Mohammed, dit Bendhiba, âgé aujourd'hui de 82 ans, se souvient encore des menus détails du lancement des premiers tirs, la nuit du 31 octobre au 1er novembre 1954, dans la région du Dahra, à Mostaganem, à une heure du rendez-vous convenu pour le déclenchement de la Révolution. La participation de Mostaganem dans le déclenchement de la guerre de libération nationale n'a pas été fortuite, témoigne-t-il, signalant que ce rendez-vous avait été préparé avec soin durant deux mois. Quelques militants dont les chahid Bordji Omar, Benabdelmalek Ramdane, venu de l'est du pays (Constantine), responsable à l'époque de l'organisation, et Belhamiti Mohammed, étaient chargés de la préparation d'une opération qui devait se dérouler dans la zone de Sidi Ali (ex-Cassaigne), et qui s'était soldée par un mort dans les rangs des forces coloniales. Benhamiti Mohamed, né le 17 mars 1932 à Sidi Ali, se souvient de sa contribution, aux cotés d'un groupe de moudjahidine, à la préparation de la première opération dans le Dahra. Cette préparation, se rappelle-t-il, a commencé au mois de septembre 1954. Benabdelmalek Ramdane avait été alors envoyé à Mostaganem et dépêché au douar de Ouled Hadj, dans la localité d'Ouilis, baptisée actuellement du nom du moudjahid Bordji Omar. Selon le témoignage de Bendhiba, le moudjahid Bordji Omar avait tenu avec lui une réunion de préparation pour recenser le nombre de militants dans la région. Au profit de cette rencontre, il sera mis en contact avec Benabdelmalek Ramdane, fin septembre, à la gare ferroviaire de Mostaganem. «Nous avons abordé la question de la collecte de fonds pour acheter des armes de Tanger (Maroc)», se souvient M. Belhamiti. Les réunions se sont succédé pour informer les militants, estimés alors à 306, et leur demander de se préparer au déclenchement de l'action armée. Dans le sillage de ces préparatifs, Larbi Ben M'hidi arriva le 2 octobre 1954 dans la localité de Hadjadj (ex-Bosquet) où il rencontra Bordji Omar et des militants, les informant que l'heure «H» du déclenchement de la Révolution approchait, avant de rejoindre Oran. Les responsables des cellules militantes, dont Benabdelmaek Ramdane, Bordji Omar, Benaroum Hamou (Ouilis) Sebaa Miloud, Bennadjar Ahmed (Hadjadj), Belhamiti Mohammed (Sidi Ali), Ouadani Youcef Ould Zine, propriétaire de l'abri, situé à l'Est du village Ouilis, se sont rencontrés le mercredi 27 octobre 1954. Benabdelmalek Ramdane les informa de la date du déclenchement de la Révolution armée. Les objectifs et les cibles ont été fixés, notamment l'objectif principal du groupe de Sidi Ali, conduit par Bendhiba, et qui était d'attaquer la brigade de la gendarmerie française de cette localité. Celle-ci est composée de 4 gendarmes français et un cinquième, un musulman, un certain Bacha Hussein, originaire de la région de Kabylie et qui fournissait à Belhamiti toutes les informations sur la brigade, les armes et les munitions, entre autres. Benabdelmalek Ramdane a décidé, sur proposition de Belhamiti, de la mise en place du poste de commandement près de la zone de Djebel Chorfa à Achâacha où se trouvait une cellule composée de 13 militants non concernés par les opérations programmées. Leur rôle étant d'attendre l'arrivée de Benabdelmalek Ramdane avant le lancement des premiers tirs du 1er novembre 1954. L'attaque de la brigade de gendarmerie de Sidi Ali Fort de ses 27 militants, le groupe de Bendhiba s'est dirigé, cette nuit là, vers la brigade en se scindant en deux groupes. Le premier, composé de quatre militants, dirigé par Sahraoui Abdelkader dit Mihoub, s'est positionné à l'entrée de la brigade. Le deuxième groupe de quatre autres éléments, dirigé par Belhamiti Mohammed, fut chargé de sauter par dessus le mur et d'ouvrir les portes afin de s'accaparer des armes. Pendant ce temps là, un autre groupe surveillait la brigade de la gendarmerie et un autre s'occupa de couper les fils téléphoniques de la brigade et ceux reliant Hadjadj et Sidi Ali. Par «pur hasard», le groupe de Sidi Ali a ouvert le feu avant l'heure «H» fixée pour le déclenchement de la guerre de libération. Ses membres ont été surpris, une demi-heure avant minuit, par l'arrêt d'une voiture à l'entrée du groupement de gendarmerie. Sahraoui Abdelkader a alors tiré une balle tuant un élément de la brigade nommé Laurent et se retira avec ses compagnons au lieu dit Si Ahmed Zerrouki, sur le chemin menant à la ville de Tazghit. Le même véhicule avait été auparavant ciblé par le groupe de Bosquet, lors de l'attaque de la ferme «Monsenego», sur le chemin reliant Ouilis et Bosquet, avant l'heure H. Doual Miloud avait ordonné d'ouvrir le feu sur eux, blessant l'un d'eux. Le véhicule s'était, ensuite, dirigé rapidement vers la brigade de gendarmerie de Sidi Ali. Le 2 novembre 1954, Belhamiti Mohammed fut arrêté après un guet-apens dressé par les forces coloniales, à la suite d'une série d'arrestations qu'a connues la région du Dahra et qui a abouti à l'arrestation de 150 personnes, dont 130 militants. Le groupe d'Achâacha, constitué de 13 combattants, n'a été arrêté, quant à lui, qu'au bout de deux mois. Les militants arrêtés, dont Belhamiti Mohammed, ont été transférés à la prison de Mostaganem où ils ont été torturés. Une peine de réclusion à perpétuité a été prononcée à l'encontre de Mohammed Belhamiti, le 19 juin 1955. Il fut transféré à la prison civile d'Oran puis à Berrouaghia et El Harrach. Il a été relâché le 4 mai 1962. Benabdelmalek Ramdane, quant à lui, est tombé au champ d'honneur le 4 novembre 1954 dans la forêt proche du village d'Ouled Sidi Larbi après un violent accrochage avec les forces coloniales. Son compagnon, Doual Miloud, a subi de graves blessures et fut torturé. Il a écopé de la prison à vie et de 20 ans de travaux forcés. Sorti de prison en 1962, le moudjahid Douali est décédé il y a quelques années. Parmi un groupe de 30 militants qui ont mis en exécution l'opération d'attaque de la brigade de gendarmerie de Sidi Ali, trois moudjahid seulement sont toujours en vie : Belhamiti Mohammed, Graoui Abdelkader et Mehantal Afif. APS