La valse est définie comme une musique à trois temps binaire dans laquelle le couple enlacé se déplace sur la piste en tournant sur lui-même. En football, cette définition tient également la route. Les trois temps sont : la signature du contrat, la liaison et puis... le divorce. Une séparation, caricaturée «à l'amiable», quand les choses ne tournent pas rond. Si le président est inamovible, son «partenaire», l'entraîneur en l'occurrence, est souvent accusé de ne pas être dans le bon tempo. Du coup, la partition s'arrête même quand la valse n'a pas livré toutes ses notes. Aussi «sensuelle» que «gracieuse», cette musique résonne plus que jamais dans le championnat national avec ses deux paliers (Ligue 1 et 2 Mobilis). Une dizaine de techniciens (un peu plus depuis cette fin de semaine avec le départ de Yanackovic de l'Arbaâ et Khezzar de Saoura) ont vu leur aventure prendre fin alors qu'on est à peine au tiers de l'exercice. Motif ? Insuffisance de résultats ou désaccord avec la direction (cas Hugo Broos). Les raisons restent nombreuses mais le sort reste le même et c'est le club qui paye souvent l'instabilité à la barre technique lors du décompte final. Entraîner reste un métier très précaire. Les choses peuvent aller très vite. Entre une montée au firmament et une descente en enfer, l'écart reste (très) mince, la frontière souvent inexistante. Le passage de héros à zéro se résume à trois ou quatre déconvenues de rang. La pression des résultats immédiats a souvent coupé des têtes. Le limogeage reste, pour les employeurs, le premier remède quand la rue commence à gronder et le club à se saborder. La démarche n'est pas typique à une nation en particulier. Dans les quatre coins du monde, c'est le driver qui fait toujours les frais des contre-performances. Néanmoins, en Algérie, le phénomène est en train de prendre des proportions démesurées. Surtout depuis que la rue s'immisce sérieusement (chose qu'on condamne fortement) dans les affaires des clubs. Face à la vox populi, les chairmen sacrifiés savent ce qu'il leur reste à faire : «dégommer» leurs entraîneurs et s'acheter une «paix». Surnommés les «fusibles», et ils le confirment, ces derniers sautent à n'importe quel moment. Dans cette profession, personne n'est maître de son destin. Surtout quand les résultats ne sont pas au rendez-vous. Adulé et béni par les supporters du Mouloudia d'Alger, Boualem Charef, à qui la direction du Doyen voulait absolument confier la barre technique, a été contraint de quitter la maison du MCA après avoir failli à placer le team algérois sur le podium au minimum après 10 journées. Réputé pour sa longévité du côté de l'USM El-Harrach, où il a exercé pendant six années, chez un des principaux pôles de la capitale, il n'aura tenu que... 6 mois. Projet sportif ou performances éphémères ? Quid des réels projets et des bases véritables pour se construire une notoriété à long terme ? Avant de prendre les rênes du MC Alger, Charef avait fait étalage de sa conception du jeu huilé et de sa faculté à sortir un onze avec des joueurs méconnus du grand public. Sous sa coupe, certains ont éclaboussé le championnat de leur talent. Le jeu fluide des banlieusards d'Alger a forcé l'admiration et valu la reconnaissance. L'ère Charef a pris fin l'été dernier. La direction, n'a pas pu stopper l'hémorragie des éléments clés qui partent à chaque fin de saison. De Djabou, à Bounedjah (tous les deux sont devenus internationaux aujourd'hui) en passant par Demmou et Belkaroui et Lagrâa (qui figurent dans l'équipe A'), la direction harrachie, faute de liquidités, ne pouvait absolument pas faire face aux offres salivantes qui atterrissaient sur le bureau du président Laïb pour certains, tandis que d'autres ont préféré, bail arrivé à échéance, aller voir ailleurs pour «gagner des titres». Certes, l'USMH de Charef était agréable à voir jouer mais à chaque exercice, il n'y avait rien de gagné au bout. Le projet sportif prenait forme avec des sommes d'argent conséquentes qui renflouent les caisses à chaque transfert. Cependant, arrivés à certains stades, les banlieusards d'Alger se heurtaient au facteur expérience qui leur a fait défaut à maintes reprises. Charef a toujours souhaité avoir un groupe sans véritables vedettes. L'ancien adjoint de Rabah Saâdane chez les Verts (Coupe d'Afrique 2004) savait très bien à quelle situation il devait faire face. Malheureusement, au Mouloudia, il y avait des «noms» à gérer. Des égos surdimensionnés qui ont, semble-t-il et selon les propos du désormais ancien entraîneur, levé le pied pour l'éjecter de son siège. Un cas de figure qui illustre parfaitement les mentalités et l'ambiance qui prévaut dans les écuries algériennes. La direction veut les résultats, les joueurs n'aiment pas qu'on les secouent et qu'on les fasse travailler. Tout ce que Charef avait l'habitude de faire. Mais cette fois, il n'était pas le maître de la situation. Entre changement de mentalités et recours inconsidéré au «fusible» L'échec de Charef est venu confirmer que tous les modèles de réussite ne sont pas transposables. Au football, tout se joue sur des détails. Tout dépend des résultats. Surtout. Le temps presse toujours et le nom, comme la réputation, peut très vite s'effriter au fur et à mesure que les rounds s'écoulent. Dans 10, 20 ans ou 30 ans, les choses resteront ainsi si les mentalités ne changent pas. Il faudra «nettoyer» les esprits de cette fâcheuse habitude poussée par la précipitation inutile. Inutile, parce que dans le sport qu'est le football, il faut apprendre à gagner mais accepter de perdre aussi. Quand l'hiver et le mauvais temps perdurent, il faut juste se dire que le soleil et le beau temps finiront par revenir. Seulement, dans ce sport, c'est les scores qui font la pluie et le beau temps. Rares sont ceux qui échappent au déluge, nombreux sont ceux qui se voient obligés de changer de «baraque» à la fin de l'orage. Aujourd'hui, personne ne sait sur quel pied danser. L'entraîneur, comme le président, a peur de perdre pied même si ce dernier reste plus «immunisé». La patience ne peut être que bénéfique. Ainsi, on ne sera pas obligés de repartir à chaque fois de zéro, surtout que notre football semble avoir touché le fond tant au niveau de la gestion qu'en matière de spectacle. Dans ces cas, il vaut mieux trouver les raisons du malaise avant de résilier les contrats. Parler d'une séparation par «consentement mutuel» ou en «bons termes», et vouloir faire de la diplomatie n'est qu'une façon de cacher le désespoir prématuré et se laver les mains d'un choix qu'on n'a pas assumé jusqu'au bout. Une chose est certaine, ce n'est pas de la sorte que la discipline connaîtra des jours meilleurs. M. T.