Après s'être emparés la veille du pouvoir exécutif, les Houthis ont nommé une commission de sécurité plongeant le Yémen dans l'expectative. Le coup de force est dénoncé comme «un putsch» par les contradicteurs du mouvement d'obédience chiite. Les nouveaux maîtres de Sanaa contrôlent toujours le Palais présidentiel depuis le 20 janvier. La capitale reste sous tension et les incidents se multiplient. Vendredi les Houthis ont consolidé leur emprise sur le pouvoir au Yémen, pays pauvre au sud de la péninsule arabique, s'imposant comme acteur incontournable. Des mesures politiques vigoureuses ont été prises : révocation du Parlement et installation d'un Conseil présidentiel de cinq membres. Nommés Houthis, du nom de leur leader, les miliciens sont issus de la minorité zaïdite concentrée dans le nord du Yémen. Le 21 septembre dernier ils rentrent dans la capitale Sanaa élargissant leur influence vers l'ouest et le centre du pays. Fin janvier à Sanaa, la prise du Palais présidentiel et d'autres bâtiments gouvernementaux a précipité en quelques jours la démission du président Abdrabbou Mansour Hadi et du gouvernement, et propulsé les Houthis au devant de la scène. Les ministres de la Défense et de l'Intérieur de ce gouvernement démissionnaire figurent parmi les 18 membres de la commission de sécurité, qui «dirigera les affaires du pays jusqu'à la mise en place du Conseil présidentiel». Ce dernier, qui doit être élu par un Conseil national de 551 membres destiné à remplacer le Parlement dissout, doit former un gouvernement de compétence nationale pour une période de transition, fixée à deux ans. Ainsi le contrôle du pays par les Houthis est devenu formel au lendemain de la suspension, faute d'accord, des négociations politiques sur une sortie de crise, parrainées par l'émissaire de l'ONU au Yémen Jamal Benomar. Ce dernier a quitté précipitamment le Yémen peu avant la «déclaration constitutionnelle» des Houthis. Les réactions pour l'heure restent diverses. Alors que le parti populaire nassérien a dénoncé l'action des Houthis comme «un putsch contre la légalité constitutionnelle», les autres formations, dont les islamistes d'Al-Islah, le parti socialiste et le Congrès populaire général, dirigé par l'ex-président Ali Abdallah Saleh, n'ont pas encore réagi officiellement. Les monarchies pétrolières du Conseil de coopération du Golfe ont dénoncé un «coup d'Etat qui marque une grave escalade, inacceptable et irrecevable, (....) comme il expose au danger la sécurité, la stabilité, la souveraineté et l'intégrité territoriale du Yémen». Les Etats-Unis ont désapprouvé l'initiative des Houthis. Le Conseil de sécurité des Nations unies s'est déclaré «très inquiet» de la situation, brandissant la menace de sanctions si les négociations ne reprennent pas. Mais les Houthis, imperturbables, ont célébré leur coup de force par des feux d'artifice dans le ciel de Sanaa et de Saada, leur fief du nord, et appelé à de nouvelles célébrations. Au Yémen c'est bien le temps des Houthis. M. B./Agences