Il y a des évènements politiques qui ne trompent personne sur la réalité des liens entretenus entre certains pays et certains politiques avec d'autres. La Conférence économique de Charm el-Cheikh, qui s'est déroulée entre le 13 et le 15 de ce mois de mars, a été l'occasion de constater que les intérêts économiques et géostratégiques priment sur les droits de l'Homme. Cet ancien général, Abdel Fattah al-Sissi, devenu président de l'Egypte après avoir chassé son prédécesseur islamiste Mohamed Morsi, n'est pas cet homme constamment décrit par les médias comme pire que l'ancien chef de l'Etat, Hosni Moubarak. Cette rencontre de l'«avenir», comme il l'a qualifiée, montre en effet que l'ancien général est un homme fréquentable et qu'il mérite tout le soutien nécessaire pour permettre à l'Egypte de se relever, après quatre ans de crise, née du «printemps arabe», à l'origine du départ de Hosni Moubarak du pouvoir, après trois décennies de règne sans partage. Le montant de 36,2 milliards de dollars, en contrats signés, durant les trois jours qu'a durée cette conférence et l'aide promise par quatre pays du Golfe a donné le tournis aux analystes qui n'ont pas cessé d'affirmer qu'Al-Sissi est dans l'œil du cyclone. Même si les Etats-Unis continuent de geler leur aide à l'Egypte, la présence du secrétaire d'Etat John Kerry à Charm el-Cheikh est considérée comme une caution et un soutien politique de haute importance à Abdel Fattah al-Sissi. L'aide financière promise par les pays du Golfe est, d'un point de vue politique, le signe d'un soutien quasi-inconditionnel à l'Egypte du principal allié des Américains au Proche-Orient. L'Arabie saoudite, en guerre d'influence contre son ennemi chiite l'Iran, et en concurrence avec son voisin le Qatar, a tout intérêt à apporter son soutien à l'Egypte d'Al-Sissi. Cerné par de nombreux foyers d'instabilité politique et sécuritaire, au Yémen, en Syrie, au Bahreïn et en Irak, sans compter le risque d'une instabilité interne, Riyad a besoin d'un Caire fort et stable au niveau régional. L'Egypte : l'indispensable allié Ce pourquoi l'Arabie saoudite n'a jamais cessé d'arroser l'Egypte avec ses pétrodollars, en dehors de la période d'un an, durant laquelle les Frères musulmans avaient pris le pouvoir au Caire, sous la conduite du président déchu Mohamed Morsi, aujourd'hui en prison. Même si elle prône un islam rigoureux et qu'elle est considérée comme un des bailleurs de fonds du terrorisme international, l'Arabie saoudite gagnera toujours à appuyer la politique répressive de Abdel Fatah al-Sissi contre les Frères musulmans. Car cette confrérie, aujourd'hui interdite en Egypte et classée comme mouvement terroriste, a toujours été contre la politique de Riyad et a même dénoncé la participation du royaume wahhabite à la première guerre du Golfe, en 1991, aux côtés des Américains. Les Frères musulmans sont aussi accusés par le régime wahhabite de tentative de déstabilisation interne contre le royaume. Israël et l'amitié égypto-saoudienne Depuis le putsch militaire du 3 juillet 2013, organisé par Al-Sissi contre le président islamiste élu Mohamed Morsi, l'Egypte est secouée par une vague d'attentats terroristes, attribués aux éléments radicaux du mouvement dissout des Frères musulmans. Connus pour leurs liens étroits avec le Hamas palestinien, qui contrôle la bande de Ghaza depuis les législatives de 2007, les Frères musulmans ont suscité moult inquiétudes à Tel-Aviv, dès leur prise du pouvoir en 2012. Cette victoire islamiste avait marqué, en fait, la fin de l'axe Riyad-Tel-Aviv-Le Caire contre le Hamas palestinien, mais aussi contre le mouvement chiite libanais, le Hezbollah, considéré par l'occupant israélien comme organisation terroriste. Les analystes sont unanimes à penser que le retour de l'armée aux affaires politiques en Egypte a pour première conséquence un affaiblissement du Hamas palestinien. Ce dernier représenterait aussi une menace pour l'Egypte, car il est ouvertement accusé de soutenir les islamistes égyptiens dans leurs actions terroristes dans le Sinaï. Cela n'explique toutefois pas la fermeture de la frontière égyptienne avec Ghaza, considérée comme un soutien au blocus israélien contre cette enclave palestinienne. Aussi, depuis l'été, des attentats sont régulièrement revendiqués par un mouvement terroriste Ansar Beït al-Maqdess, officiellement affilié à l'Etat islamique. Au nom de cette lutte contre la branche locale de l'Etat islamique et le terrorisme islamiste, Abdel Fattah al-Sissi bénéficie du soutien aussi bien de l'Arabie saoudite que d'Israël. Alliés inconditionnels de l'occupant israélien, les Etats-Unis continuent d'appuyer le Caire, même si Washington s'adonne de temps à autres à quelques «critiques» contre le nouveau régime cairote, au sujet de ses violations des droits de l'Homme, et exerce toujours quelques pressions financières sur le gouvernement d'al-Sissi. Car, l'Egypte est un acteur incontournable dans le conflit israélo-palestinien depuis des décennies et joue un rôle clé dans le processus de paix au Proche-Orient. L. M.