La directrice générale de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco), Irina Bokova, a condamné, lundi passé, dans un communiqué, la destruction totale de la cité antique de Nimroud, en Irak, par les éléments de l'organisation autoproclamée Etat islamique (EI Daech), en le qualifiant "d'acte de folie et une volonté d'effacer l'histoire du peuple irakien". L'EI avait diffusé samedi dernier une vidéo montrant ses éléments détruisant des œuvres d'art dans Nimroud, joyau de l'empire assyrien, avant de faire exploser le site archéologique. Selon les images, non datées, Nimroud, située à une trentaine de kilomètres au sud-est de Mossoul, sur les rives du Tigre, a été complètement rasée. Dans un communiqué publié sur le site de l'Unesco, Mme Bokova déclare à ce propos qu'elle "condamne cet acte de folie destructrice, qui marque une nouvelle escalade dans l'horreur. Il confirme que les terroristes ne se limitent pas à détruire les représentations figurées, bas-reliefs et statues, mais aussi le site lui-même et ses murs, à coups de pioches et d'explosifs, dans le but d'effacer systématiquement toute trace de l'histoire du peuple irakien". «La destruction délibérée du patrimoine est un crime de guerre», a réaffirmé la directrice de l'Unesco. «Nous mettons tout en œuvre pour lutter contre ces destructions et les documenter pour que les auteurs soient identifiés et traduits en justice», affirmera-t-elle. Elle a également exprimé sa solidarité avec le peuple et le gouvernement irakiens et rappelé l'action de l'Unesco pour la protection du patrimoine et pour coordonner les efforts de la communauté internationale dans la lutte contre le trafic illicite des objets culturels. Dans le même contexte, la Ligue arabe a condamné ces destructions, qu'elle a qualifiées de programmées, contre la culture et le patrimoine arabes. Lors d'une récente réunion tenue au Caire, la Ligue arabe a promis d'aider l'Irak à affronter ces mouvements terroristes et à empêcher le trafic de ses antiquités pillées. Pour rappel, l'EI, qui s'est emparé depuis juin passé de vastes pans de territoires en Irak et en Syrie voisine, s'en est pris aux sites archéologiques irakiens, détruisant Nimroud, mais aussi Hatra, une cité de la période romaine vieille de 2 000 ans inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, et réduit en miettes des trésors dans le musée de Mossoul, Fondée au XIIIe siècle av. J.-C., Nimroud était considérée comme la seconde capitale de l'empire assyrien. Cette ville a acquis une renommée et a prospéré sous le règne du roi Assurnazirpal, dont le fils a construit le monument connu sous le nom de Grande Ziggourat. Des fouilles dans les années 1980 ont révélé trois tombes royales remplies de trésors merveilleux, avec des fresques et d'autres œuvres vénérées dans la littérature et les textes sacrés. Grande cité fortifiée datant du IIIe siècle av. J.-C., Hatra était, à l'origine, une petite colonie assyrienne qui est ensuite devenue une forteresse et un centre de commerce. Ses vestiges, au milieu du désert à 110 km au sud-ouest de Mossoul, témoignent de son rôle d'étape majeure sur la célèbre route de la soie orientale. Dans le centre de cette ville se trouve un complexe de temples dédiés à plusieurs divinités locales, dont le principal était le dieu solaire Shamash. Des sculptures représentant Apollon (appelé Balmarin dans le panthéon de Hatra), Poséidon, Eros, Hermès, Tyché (la déesse tutélaire de Hatra) et Fortuna y avaient été découvertes. Les Romains ont essayé à plusieurs reprises d'envahir «la ville du dieu Soleil», mais ont échoué dans leur entreprise. Au mois de mars dernier, Mme Bokova avait lancé un appel où elle déclare : «J'appelle toutes les institutions ? culturelles, les musées, les journalistes, les professeurs et les scientifiques, à partager et expliquer encore davantage l'importance de ce patrimoine, de la civilisation mésopotamienne. Contre la folie criminelle de ceux qui détruisent la culture, nous devons aussi répondre par plus de culture et par une mobilisation sans précédent.» La destruction pour des raisons politiques de ces trésors archéologiques, venant de civilisations disparues depuis des millénaires, porte atteinte à l'Histoire et à la mémoire de l'Humanité. Cette région de la Mésopotamie, entre les fleuves Tigre et Euphrate est en effet le lieu où la vie des hommes a changé fortement. C'est dans ces régions que les hommes ont inventé l'agriculture, l'écriture, mais aussi les premières villes et les premiers Etats organisés avec une administration, des palais et des monuments dont les vestiges font comprendre comment s'est organisée l'Humanité durant ces époques où a commencé l'Histoire. S. B./APS