Le secrétaire d'Etat auprès du ministre français de la Défense chargé des Anciens combattants et de la mémoire, Jean Marc Todeschini, qui sera aujourd'hui à Alger dans le cadre de la commémoration de l'anniversaire des massacres du 8 mai 1945, a affirmé hier, dans une interview accordée à l'APS, que sa visite en Algérie, s'inscrit dans une démarche d'«amitié et de respect» dans le souci d'appréhender la «mémoire commune» des deux pays, «appelés à se tourner ensemble vers l'avenir». M. Todeschini qui a appelé l'Algérie et la France à vivre ensemble leur «histoire partagée», n'a pas manqué de souligner qu'«il ne s'agit pas de dépasser les questions mémorielles, mais qu'il s'agit plutôt de mieux vivre ensemble avec notre histoire qui, quoi qu'on fasse, nous est pour une bonne part commune». M. Todeschini a tenu à faire savoir que la venue «pour la première foi» d'une autorité ministérielle française pour se rendre à Sétif et déposer une gerbe au mausolée de Saal Bouzid, première victime algérienne des massacres de Sétif, Guelma et Kherrata, est «un geste fort et très concret, à la veille du soixante-dixième anniversaire du 8 mai 1945». Il s'agit là d'un témoignage fort qui permet de franchir un nouveau pas «dans le prolongement de la visite d'Etat du président de la République en décembre 2012 au cours de laquelle il avait reconnu les souffrances que la colonisation a infligées au peuple algérien». Tout en remerciant, «chaleureusement», les autorités algériennes pour leur accueil et pour le soutien qu'elles ont apporté à la démarche qu'il reconnaît qu'elle n'a pas été «si facile à faire, pour chacun de nos deux gouvernements», le chargé des Anciens combattants et de la Mémoire, a ajouté «ma visite s'inscrit ainsi dans une démarche d'amitié, de respect et dans le souci de continuer à appréhender notre mémoire commune de manière apaisée et lucide, en vue de mieux nous tourner ensemble vers l'avenir». M. Todeschini qui se rendra aujourd'hui en compagnie du ministre des Moudjahidine, Tayeb Zitouni, devant la stèle du martyr, Saal Bouzid, considère que le geste mémorial qui sera effectué en même temps et pour la première fois par les représentants des deux pays «n'est pas rien ! Je veux y voir un pas supplémentaire dans la collaboration entre nos deux ministères». A la question de savoir si ce nouveau pas français sera suivi d'une reconnaissance officielle des massacres commis par le colonialisme, M. Todeschini a affirmé que «cette reconnaissance officielle a eu lieu, dans des termes très solennels, lors du discours prononcé par le président de la République, François Hollande, devant le Parlement algérien le 20 décembre 2012. Il a affirmé en cette journée historique que les ‘‘massacres de Sétif, de Guelma, de Kherrata demeurent ancrés dans la conscience des Algériens, mais aussi des Français. Parce qu'à Sétif, le 8 mai 1945, le jour même où le monde triomphait de la barbarie, la France manquait à ses valeurs universelles''». Citant toujours son président de la République, François Hollande, le représentant du gouvernement français a ajouté «Cette vérité, nous la devons à tous ceux qui par leur histoire douloureuse, blessés, veulent ouvrir une nouvelle page. Nous la devons à la jeunesse, à toutes les jeunesses, qui veulent avoir foi en leur avenir, et donc qui veulent savoir d'où elles viennent», avant de conclure «Ce dimanche (aujourd'hui NDLR), pour la première fois, à la parole viendra s'ajouter le geste, traduction concrète de l'hommage de la France aux victimes et de la reconnaissance des souffrances infligées». Revenant sur l'appel, lancé, mercredi dernier, par le Conseil de Paris, à la reconnaissance des massacres du 8 mai 1945, «pour que cesse l'oubli», le chargé des Anciens combattants et de la Mémoire a affirmé que de son point de vue, «il ne s'agit pas de dépasser les questions mémorielles. Il s'agit plutôt de mieux vivre ensemble avec notre histoire qui, quoi qu'on fasse, nous est pour une bonne part commune. L'histoire partagée entre la France et l'Algérie ne s'est pas écrite qu'entre 1954 et 1962. Elle s'est écrite aussi sur les champs de bataille de la Grande guerre et dans les rangs de la France libre. Il s'agit aussi, je le crois sincèrement, de faire en sorte que, sans rien oublier des victimes, des drames qui nous ont opposés, sans renoncer à aucun moment à honorer leur mémoire, nous sachions aussi voir ce qui nous rassemble, ce que nous partageons et qui peut nous aider à avancer». Rappelant cette fois, le discours du président Abdelaziz Bouteflika, tenu le 8 mai 2012 à Sétif, M. Todeschini appuie «Le président Bouteflika a appelé à une '' lecture objective de l'histoire, loin des guerres de mémoires et des enjeux conjoncturels'', afin d'aider les deux parties à transcender les séquelles du passé douloureux pour aller vers un avenir où puisse régner confiance, compréhension, respect mutuel et partenariat bénéfique». Pour M. Todeschini, «c'est cet esprit qui préside aujourd'hui aux relations entre la France et l'Algérie, et cela passe selon nous par des gestes forts et concrets, comme cet hommage que je rendrai à Saâl Bouzid, mais aussi aux combattants algériens, qui, pendant la Seconde Guerre mondiale, se sont engagés dans le combat contre le nazisme, en remettant à six d'entre eux la plus haute décoration française, la Légion d'honneur». «Notre histoire est multiple et complexe. Elle ne se limite pas à nos affrontements», a encore relevé le ministre français, estimant que «c'est cela qui la rend parfois difficile à comprendre, mais c'est aussi ce qui en fait toute la richesse». Enfin sur une question portant sur la «loi Morin» relative à la reconnaissance et à l'indemnisation des victimes des essais nucléaires français qui demeure de portée limitée au regard de son champ d'application et ne répond pas aux droits des populations sahariennes victimes de ces essais, alors que le président Hollande avait déclaré que la loi d'indemnisation des victimes des essais nucléaires conduits notamment dans le Sahara, «doit être appliquée pleinement», l'invité de l'Algérie a affirmé que «comme l'a dit le président de la République en décembre 2012, les conséquences de ces essais nucléaires sont pleinement assumées et prises en compte par l'Etat français qui agit en toute transparence. Le ministère de la Défense, en lien avec le ministère des Affaires étrangères, met tout en œuvre pour que les victimes ou leurs ayants droit puissent faire valoir tous leurs droits en la matière, conformément au dispositif de reconnaissance et d'indemnisation mis en place par la loi du 5 janvier 2010. Ce dispositif examine, notamment les demandes d'indemnisation présentées par les ressortissants algériens, selon les trois critères de l'espace, du temps et de l'existence de l'une des maladies considérées comme potentiellement radio-induites. Il existe d'ailleurs déjà, sur place, à Alger, une structure rattachée à notre ambassade qui est à même de renseigner les demandeurs et de les aider dans la constitution de leur dossier : il s'agit du service chargé des Anciens combattants situé dans le quartier du Telemly à Alger. A ce stade, seuls, quelques dizaines de dossiers ont été déposés par des ressortissants algériens. Enfin, les deux gouvernements ont convenu, depuis décembre 2014, de mettre en place une structure mixte permettant de réfléchir à la façon de faciliter le dépôt des demandes d'indemnisation par les éventuelles victimes algériennes des essais nucléaires français au Sahara. La première réunion de ce dispositif interviendra très prochainement et en tous cas, avant la fin 2015». H.Y./APS