Elle est venue tardivement mais elle est sans fioritures la réponse du président de la République au sujet des changements à la tête et au sein du DRS. Ces bouleversements, qui ont fait couler beaucoup d'encre, assuré le buzz sur Internet et donné lieu à de nombreuses lectures spéculatives «portent sur une architecture en place depuis un quart de siècle» déjà, a indiqué, jeudi dernier, la présidence de la République. Il s'agit de changements, de réorganisation et de restructuration. Sur le fond, les récentes réformes ne sont pas étonnantes, mais elles surprennent, il est vrai, par leur étendue et leur importance inédites. Leur objectif ? Il s'agit, selon la présidence de la République de «renforcer la capacité et l'efficacité des services de renseignements du pays, et de les adapter aussi aux mutations politiques nationales». La réforme du DRS s'inscrit aussi dans un «large mouvement», celui de l'adaptation du système national de sécurité et de l'organisation globale du renseignement. Ces réformes ont ainsi concerné «toutes les institutions chargées de la préservation de la sécurité». Le DRS ne constitue donc ni la règle ni l'exception, même s'il est la partie la plus symbolique du système national. La réforme globale du système national de vigilance et d'intelligence s'inscrit naturellement, depuis 2011 précisément, dans une logique politique entamée «avec la levée de l'état d'urgence et la mise en chantier de plusieurs lois à portée politique, processus qui sera couronné prochainement par un projet de révision constitutionnelle», attendue pour la fin de l'année en cours ou pour le début de la suivante. Par la même occasion, le chef de l'Etat évoque l'institution DRS de manière sui generis en évitant de réduire la dimension de la structure à celle des individus. Son hommage va donc au Département dans sa globalité. C'est ainsi que le département de défense et de sécurité a, de son point de vue, «concouru avec abnégation à la sauvegarde de l'Etat, assumé des missions d'intérêt national majeur et recèle des ressources humaines aux compétences avérées». La considération exprimée ici est donc collective. Une manière subliminale de suggérer que les hommes, quelles que soient leur valeur humaine, leur dimension personnelle et leurs compétences techniques, passent la main. Fin donc d'une époque, d'un long cycle qui a vu le DRS sur tous les fronts de guerre, sur toutes les voies d'action, mêlant notamment espionnage, contre-espionnage, intelligence économique, police judiciaire, police politique et combat en première ligne contre la subversion et le terrorisme. Une superstructure qui s'est confondue totalement avec son premier chef, un homme qui a eu certes ses propres points de faiblesse mais qui aura assumé jusqu'au bout, avec sérénité, les défaillances collectives comme les erreurs individuelles, surtout celles des collaborateurs. Son parcours, avec ses zones d'ombre et ses traits de lumières, est laissé cependant à l'appréciation des vrais spécialistes et des historiens. Mais il aura été globalement celui d'un homme légaliste et discipliné de bout en bout. Un patriote. Un homme d'exception dans une période d'exception, celle des années d'instabilité politique, d'incertitude et de menace de déstabilisation et de désintégration du pays. Et, au-delà de tout, une phase interminable de terrorisme domestique, transfrontière et international. Reste toutefois le fond de la question. Le président de la République parle de réforme globale et inscrite dans un temps long. Réforme qui vise à renforcer les capacités d'action, de réaction et d'anticipation de nos différents services de sécurité et de renseignement. Cette réforme est structurelle et doctrinale et est inscrite dans la durée. Elle vise essentiellement à rendre l'ensemble des membres de la communauté du renseignement plus efficaces. Cette réforme obéit surtout à un impératif de libéralisation progressive du régime qui connaîtra de nouvelles avancées à la faveur de la prochaine révision de la Constitution. Il s'agit donc de recentrer les Services sur leur cœur de métier, c'est-à-dire le renseignement, en les débarrassant définitivement des tâches lourdes, énergivores et liberticides de police politique. Pour mieux se consacrer, c'est-à-dire plus efficacement, à la gestion des menaces sécuritaires, de type classique ou terroristes, en interne et en externe. Par voie de conséquence, à participer de manière plus efficiente à la sanctuarisation du territoire national et à l'étanchéisation de nos frontières avec sept pays riverains. Et, on l'a bien vu, les missions de contrôle de l'information, de police judiciaire et de surveillance directe de l'Administration et de l'économie ont été bel et bien retirées au DRS et abrogées. Le Département, qui avait atteint une certaine masse critique et devenu au fil des ans une organisation tentaculaire, a vu nombre de ses structures autonomisées et passer sous contrôle direct et hiérarchique de l'état-major de l'ANP, dont il est un des corps spécifiques mais pas le plus proéminent et le plus prééminent. Ces structures n'ont donc pas disparu. Il ne s'agit pas par conséquent de démantèlement et de démembrement structurels. Pas plus qu'il ne s'est agi d'une opération antipatriotique du type «effeuillage de l'artichaut Toufik». Du reste, la réforme en question, structurelle et doctrinale, on ne le dira jamais assez, est dans la continuité de réformes qui vont au-delà même des 25 ans évoqués par le président de la République et qui correspondent au bail du général de corps d'armée Mohamed Lamine Médiene, nommé patron du DRS en septembre 1990. La création du DRS était le résultat d'une réforme entamée en 1985 avec la transformation de l'historique Sécurité Militaire (SM) en Dgps, la Délégation générale de la prévention et de la sécurité, qui deviendra après octobre 1988, la Dgds, en l'occurrence la Direction générale de la documentation et de la sécurité, structure de transition qui a préparé le lit de la création du DRS. Parallèlement à la Dgps et ensuite à la Dgds, il y avait la Dcsa, la Direction centrale de la sécurité de l'armée, qui avait notamment pour missions d'assurer, comme son nom l'indique, la sécurité de l'ANP, le renseignement militaire et la protection du secret-défense. Dans un schéma qui n'est pas sans évoquer le cas de la France où la Dgse (sécurité extérieure et espionnage) cohabitait avec la DRM, la Direction du renseignement militaire, et la Dpsd, la Direction de la protection du secret-défense. La création du DRS obéissait alors au regroupement de toutes les structures de sécurité et de renseignement, y compris les instruments techniques (chiffre, écoutes, surveillance électronique..) sous une seule bannière et sous un commandement unique. Cette époque, celle du consortium sécuritaire, est révolue. Place donc aux structures autonomes, spécialisées, mieux réactives et plus efficaces. Avec du sang neuf et de nouveaux profils. N. K.