Au moment où les services de renseignement du monde entier, sous la pression de la poussée démocratique et au nom de la gestion transparente des affaires publiques, s'affranchissent de la tutelle militaire, ceux de l'Algérie passent sous la tutelle des opérationnels de l'armée. Engagée en 2013, la restructuration des services algériens de renseignement se poursuit, mettant les structures, qui dépendaient jusqu'alors du puissant Département de renseignement et de sécurité (DRS), et faisaient l'influence de son chef, le général Mohamed Mediene dit Toufik, une à une, sous la tutelle de l'état-major de l'Armée nationale et populaire (ANP). Le service de Police judiciaire et le Centre de communication et de diffusion (CCD), la Direction centrale de la sécurité de l'armée (DCSA), la Direction générale de la sécurité et de la protection présidentielle (DGSPP) et, depuis peu, le Service central des opérations et de renseignement antiterroriste (Scorat), dont le chef, le général Abdelkader Aït Ouarabi dit Hassan, croupit à la prison militaire de Blida depuis dix jours et, enfin, la Direction des écoutes sont, en effet, rattachées à l'état-major. D'autres structures ont été carrément dissoutes, à l'image du service d'intelligence économique et le Groupe d'intervention spécial (GIS), dont les éléments ont été intégrés dans les troupes spéciales des forces terrestres. Le DRS, qui contrôlait les unités de l'ANP à travers la DCSA, les médias à travers le CCD, coordonnait la lutte antiterroriste et la coopération internationale en la matière, protégeait le Président et enquêtait sur les affaires économiques et de corruption, est ainsi réduit à ses métiers de base : l'espionnage et le contre-espionnage. Le chef du DRS, le général Toufik, ne gère désormais que deux directions : la Direction de la sécurité intérieure (DSI) et la Direction de documentation et de sécurité extérieure (DDSE). Ce qu'il faut, néanmoins, retenir de cette restructuration est que le DRS, placé sous l'autorité du ministre de la Défense, qui n'est autre que le président de la République selon la Constitution, et donc, sous l'autorité d'un pouvoir civil ou du moins théoriquement, est passé, dans la quasi-totalité de ses composantes, sous l'autorité de l'état-major de l'armée. Cela, au moment où les services de renseignement du monde entier, sous la pression de la poussée démocratique et au nom de la gestion transparente des affaires publiques, s'affranchissent de la tutelle militaire. Les exemples ne manquent pas. C'est la CIA, placée sous l'autorité du président des Etats-Unis, qui contrôle les drones militaires, et non pas le Pentagone. Et pas plus tard qu'en janvier 2014, le Congrès américain a voté un amendement préservant ce pouvoir de la CIA pour permettre au président de mieux contrôler les actions extérieures des Etats-Unis. En France, la communauté du renseignement est contrôlée par des civils : la sécurité extérieure (DGSE) est contrôlée par le ministre de la Défense, la sécurité intérieure (DGSI) est contrôlée par le ministre de l'Intérieur, alors que l'action contre les circuits financiers clandestins est gérée par le ministère de l'Economie. Idem pour les services secrets britanniques : le MI6 (sécurité extérieure) est sous la tutelle du ministère des Affaires étrangères et le MI5 est sous la tutelle du ministère de l'Intérieur. Le Service fédéral de renseignement, le BND allemand, lui, est sous la tutelle du chancelier. Les attributions et les compétences de renseignement, dont le DRS coiffait toutes les tâches sous le contrôle du ministre de la Défense, sont désormais éparpillées et relèvent, pour la plupart, des opérationnels de l'armée. Et même le vocable "département" ne convient plus pour désigner ce qui reste au général Toufik, comme structures.