Un nombre incroyable d'écrits, du fantasque au moins mauvais, alimentent régulièrement les colonnes des journaux depuis que le déclic s'est fait sur une crise économique présentée comme résultat de l'effondrement du marché pétrolier alors qu'il n'en est que le révélateur. Il faut qu'on se le dise une bonne fois pour toute, l'or noir a permis aux Algériens de vivre mieux qu'avant, mais il le leur a fait payer cher. Dans les années 80, déjà, l'autodérision populaire brocardait, masochiste, un semblant de principe directeur de notre développement économique et social. Quand d'aucuns n'en redemandaient pas, se contentant d'être des «H'chicha talba maîcha» (petite pousse ne demandant qu'à vivre), d'autres exprimaient une aspiration au mieux à travers le statut de «Ragda oua T'manji» (Dormir et manger sans se fouler la rate). Une fois admise la vérité d'un pétrole parti pour être nettement moins rémunérateur pour un bon «bout de temps», et si débat il doit y avoir, celui-ci ne devrait porter que sur deux points essentiels, le reste relevant de la subséquence. Les «bonnes» habitudes étant aussi difficiles à éradiquer que le chiendent qui empêche la bonne herbe de croitre, l'idéal serait évidemment que les conseilleurs proposent une recette garantie et rapide à mettre en œuvre pour augmenter de moitié la production et l'exportation des hydrocarbures. Ce devrait être 50% de perdus, 50% de rattrapés. Parts de marché, évidemment. Ce scénario arrangerait bien tout le monde en Algérie, gouvernants et gouvernés. Mais le pays n'a ni les réserves en pétrole ni le matelas financier du royaume wahhabite. Il faut donc que nos nombreux conseilleurs nous trouvent autre chose. Ils s'y essayent, pour ceux qui ont la patience de lire. Entre une bureaucratie dénoncée comme ravageuse et une gouvernance, nécessairement mauvaise, rendue responsable de tous les maux, se glissent çà et là des propositions qui ont une apparence de bon sens mais pêchent par une absence du fameux «comment», simple mais ô combien utile adverbe de manière. Comment, concrètement, tordre le cou à la bureaucratie tatillonne et tueuse de l'investissement, diminuer de 30 à 40% une corruption qui a gangrené (c'est vrai) l'administration et dévalorisé le service public, jeter aux orties un tas de procédures et formalités inutiles, faire des services des impôts, de l'administration des domaines, des douanes et du foncier...des accompagnateurs de l'acte d'investir et non plus des bras séculiers mécaniques qui semblent oublieux de leur raison d'être. Il est certes plus facile de suggérer d'envoyer l'aviation militaire bombarder les places fortes du trafic de devises du Square Port Saïd, El Eulma, Tadjnanet ou Salembier. Les expéditions punitives, même menées par les Sukhoi de l'armée de l'air, ne rendront pas l'euro ni le dollar disponible pour tous les Algériens. Certains poussent l'indécence jusqu'à «souffler» aux pouvoirs publics d'interdire aux pauvres retraités d'encaisser leurs pensions en devises dans leurs comptes ouverts spécialement à cette fin dans les banques algériennes. Un interdit de cette nature ne ferait pas baisser le taux de change parallèle de plus qu'un ou deux points. Mais des financiers dignes de ce nom, qui peuvent avoir facilement toutes les données en main, pourraient par exemple dire quel taux, réel, devrait fixer la Banque d'Algérie pour que les guichets des banques primaires deviennent attractifs et laissent les cambistes informels mourir de leur propre mort. A. S.