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Rentrée littéraire du Mali
Afrique : la nécessité d'une rupture
Publié dans Le Soir d'Algérie le 28 - 02 - 2015

La Rentrée littéraire du Mali s'est ouverte au Musée national de Bamako qui a abrité la conférence inaugurale portant sur le thème «Oser réinventer l'avenir», slogan de la manifestation tiré du discours de Thomas Sankara à l'ONU.
Cette table ronde modérée par l'éditrice algérienne Samia Zenadi (Apic) a vu intervenir la psychanalyste et essayiste Alice Cherki, l'éditeur kényan Firoze Manji et l'écrivain et économiste sénégalais Felwin Sarr. Le présent et le devenir de l'Afrique ont été au centre de cette rencontre qui inaugure la 5e édition de la Rentrée littéraire du Mali (24-27 février). Pour Alice Cherki, l'individu doit être la pierre angulaire de cette problématique, et notamment les générations des descendants de colonisés, rongées par le désarroi et les conséquences du passé. Selon l'intervenante, ces millions de jeunes sont tiraillés entre l'héritage des anciens et la quête d'une «origine supérieure» qui mène généralement aux intégrismes.
Alice Cherki estime que l'avenir du continent dépend d'abord d'un retour à un «commun», non pas en tant que repli identitaire figé mais en tant qu'ensemble de particularités formant une harmonie globale. Citant souvent Franz Fanon dont elle était la collaboratrice à l'hôpital psychiatrique de Blida, la conférencière souligne la nécessité d'une réponse originale au capitalisme néolibéral, laquelle remplacerait «la hiérarchisation de l'universalité humaniste par une réinterprétation transversale», et de mettre en garde contre l'enfermement identitaire car, selon elle, «l'identité est mouvante et elle devient une richesse lorsqu'on la transforme en identification, sans honte ni gloire». Pour ce qui est des récentes révoltes «radicales» en Afrique mais aussi en Occident, Mme Cherki s'interroge : «Cela suffit-il pour faires des sujets (individus, ndlr) politiques ?» ; une question ouverte à laquelle l'essayiste tente d'esquisser des propositions dont la plus importante est que «pour réinventer l'avenir, il est essentiel de créer un nouveau modèle politique, un nouveau lien social». Pour sa part, l'éditeur alternatif et essayiste kényan Firoze Manji souligne la nécessité de réintroduire auprès des jeunes générations l'histoire des «pères fondateurs», ces figures qui au début de la deuxième moitié du XXe siècle ont tenté de réinventer l'Afrique, notamment le capitaine Thomas Sankara et le leader panafricain Amilcar Cabral. Pour lui, la succession des aliénations dictées par les uns et les autres a fini par brouiller la vision d'un avenir strictement africain. «Dans le passé, les missionnaires nous ont séduits avec l'idée de la terre promise. Ils avaient la Bible et nous avions la terre. Ils nous ont appris à prier les yeux fermés et lorsque nous les avons ouverts, nous avions la Bible et eux avaient la terre !» Par la suite, les mouvements nationalistes ont amené la promesse d'un monde meilleur, mais en arrachant les indépendances et en s'arrachant le pouvoir, ils ont oublié de faire profiter les populations des bienfaits de cette libération nationale.
Firoze Manji estime que la réinvention de l'avenir ne peut se faire sans la refondation des structures de l'Etat, lequel a depuis les indépendances «envahi tous les secteurs, interdit ou marginalisé les organisations autonomes». Certes, il y a eu, selon lui, quelques progrès notables réalisés par certains leaders mais aussitôt détruits dans les années 1980 avec la montée du néolibéralisme qui apporte, lui aussi, la séduction d'une terre promise. Manji rappelle la corruption des élites africaines par la Banque mondiale et autres FMI, faux synonymes de développement, lequel a fini par rendre les élites encore plus riches et les populations encore plus pauvres ; «les acquis de l'indépendance furent ainsi renversés, et s'ensuivirent alors les pillages et spoliation des richesses africaines». Ce processus, déclare-t-il, induit également «la suppression des libertés fondamentales et la politisation de l'ethnicité» tandis que l'économie, amputée du volet productif, se résume à l'exportation des produits de base destinée à payer «la dette odieuse» : «L'économie rentière consiste en la monopolisation parasitaire des richesses sans le moindre bénéfice pour la société.» Et c'est ainsi que la terre promise change encore de visage pour devenir synonyme d'investissements étrangers. Pourtant, rappelle-t-il, l'Afrique dispose d'un certain nombre d'exemples concrets à même d'inspirer une construction de l'avenir à partir des données d'aujourd'hui. «Les réalisations de Thomas Sankara en seulement quatre ans au Burkina Faso a littéralement transformé le pays (autosuffisance alimentaire, alphabétisation massive, refus des aides internationales, refus de payer la dette, interruption des exportations et essor de l'industrie du textile, etc.).
Mais avec son assassinat en 1987, les acquis sont encore renversés et revient alors l'hégémonie du capitalisme néolibéral.» Or, affirme-t-il, ce renversement est dû en partie aux lacunes de la politique de Sankara qui, malgré ses ruptures économiques et sociales avec l'impérialisme, a gardé les structures de l'Etat colonial quand il fallait les supprimer radicalement. Parmi elles, la monopolisation de la force armée par l'Etat, celle-là même qui a permis à Blaise Compaoré d'assassiner Sankara et de prendre le pouvoir. Cette nécessité de rupture politique a, par contre, été comprise par Amilcar Cabral qui prônait la destruction totale des structures héritées du colonialisme et le refus des «libertés sous licence» définies par les anciens occupants. Firoze Manji estime donc que l'avenir dépend du courage de contester la légitimité du capital et de ses vassaux locaux et recréer la liberté au-delà des cloisons imposées par les puissants. Enfin, l'écrivain et économiste sénégalais Felwin Sarr nuance l'optimisme actuel quant à la hausse du taux de croissance en Afrique, laquelle lui semble déjà définir cet avenir qu'il faut pourtant réinventer. Il prône également une certaine distance avec les pères fondateurs. Selon lui, «il faut changer le débat avec une radicalité absolue, se débarrasser d'un imaginaire infesté et accéder à une totale souveraineté intellectuelle». Felwin Sarr ne nie pas pour autant l'importance de l'héritage politique africain mais il le recommande «sans testament ni guide». Cet économiste atypique prône un règlement des questions économiques autour de la dignité humaine, sans la surenchère imposée par les concepts importés de «la réussite et de l'économicisme» : «Cela ne m'intéresse pas d'avoir le taux de croissance le plus élevé alors que l'autonomie intellectuelle et l'épanouissement individuel sont relégués au dernier plan. » Il est indispensable, selon l'intervenant, de créer «une proposition civilisationnelle qui transcende les modèles déjà connus et une critique radicale des imaginaires collectifs... Il faut tout repenser, poser d'autres épistémès, inverser l'échelle des valeurs et se projeter dans un monde radicalement dissemblable au présent». Les problématiques africaines, qu'elles soient culturelles, politiques, sociales ou économiques, seront au centre des débats et conférences de cette 4e Rentrée littéraire du Mali qui s'achèvera ce samedi avec la remise des prix créés par le Fonds littéraire malien, organisateur de l'événement.


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