Robert Dudley, président de la compagnie pétrolière BP, n'y est pas allé avec le dos de la cuillère lors de son intervention du 10 février à la conférence pétrolière annuelle de Londres organisée dans le cadre de l'International Petroleum (IP)Week. Ses propos, réellement alarmistes, ont été repris par plusieurs médias, notamment en ligne. En effet, selon lui, «on devra dès cette année stocker le surplus de pétrole dans des piscines», car l'équilibre entre l'offre et la demande «ne se rétablira qu'au deuxième semestre de l'année». Vitol, l'une des principales sociétés de trading pétrolier au monde, a présenté à cette occasion une comparaison très éloquente permettant de mieux comprendre l'état du marché. Selon le groupe suisse, au cours des six mois à venir les stocks de pétrole augmenteront d'un volume équivalent à la production annuelle du Nigéria - membre de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) en tant que premier producteur de brut sur le continent africain. Soit 360 millions de barils de pétrole. Les experts de Vitol et de BP tirent la même conclusion : alors que les réservoirs terrestres sont remplis, il est temps de louer tout navire capable de stocker du brut. Le directeur général de la compagnie pétrolière britannique s'est dit «très pessimiste» concernant l'évolution des prix du pétrole au premier semestre 2016, estimant que le rééquilibrage du marché n'interviendrait pas avant la seconde partie de l'année : «Nous sommes vraiment pessimistes pour la première moitié de cette année». Il a notamment estimé que les six premiers mois de l'année s'annonçaient «très variables» et «volatiles», avant que le marché ne parvienne à se rééquilibrer vers la fin de 2016. «A un moment donné, dans la seconde partie de l'année, au troisième ou au quatrième trimestre, nous pensons en fait que le solde journalier entre l'offre et la demande au niveau mondial va décliner», a poursuivi M. Dudley. «A ce moment-là, chaque réservoir de stockage et chaque piscine dans le monde sera rempli (de pétrole). Et le marché commencera alors à arrêter les frais», a jugé le directeur général de BP. «Je pense que nous allons (alors) commencer à voir les fondamentaux reprendre le dessus», a-t-il ajouté, soulignant que même s'il ne s'attendait pas à ce que le pétrole s'échange de nouveau à 100 dollars le baril de sitôt, «le cycle des matières premières (n'était) pas terminé» pour autant (…) 400 milliards de dollars de projets ont été différés ou annulés (...). Certains groupes peuvent voir une activité équivalente à un millier de milliards de dollars être reportée aux trois prochaines années. Cela va provoquer une nouvelle réaction (du marché)», a ainsi prédit M. Dudley. Pour sa part, la compagnie pétrolière britannique a subi de plein fouet l'an passé la forte baisse des cours du pétrole et du gaz, accusant en 2015 une lourde perte de 6,5 milliards de dollars. Et comme ses concurrents, BP a commencé à réduire la voilure face à la chute des cours en réduisant ses investissements et ses effectifs. Le groupe prévoit environ 4 000 suppressions de postes - déjà annoncées - parmi ses employés et sous-traitants en 2016 dans l'amont ainsi que jusqu'à 3 000 supplémentaires dans l'aval d'ici la fin de 2017.