Des compagnies pétrolières, réunies à Londres pour l'International Petroleum (IP) week, prévoient une hausse des prix du baril d'ici la fin 2016 en raison notamment de la forte baisse des investissements, tout en relevant un niveau dangereux de ces sous-investissementss. La réduction des investissements dans de nouveaux projets pétroliers en raison de la faiblesse des cours prépare le futur rebond des prix, a estimé Patrick Pouyanné, PDG de Total. "Nous sommes clairement confrontés aujourd'hui à une crise de surabondance d'offre, un excès de capacité qui s'explique aussi parce que la demande a été plus faible qu'attendu", a déclaré M. Pouyanné lors de cette conférence. "Chuter de 120 à 30 dollars le baril (depuis la mi-2014) a divisé par quatre le chiffre d'affaires des entreprises" du secteur pétrolier, a-t-il rappelé, estimant que l'ampleur de ce déclin était inédite, y compris par rapport à la crise traversée par le marché au milieu des années 80, et qu'elle avait des conséquences sur l'industrie dans son ensemble, l'obligeant à réagir. Si l'offre est excédentaire actuellement à environ 2 millions de barils par jour (mb/j), à court et moyen termes, elle sera déficitaire, prévoit le patron de Total. M. Pouyanné a également tenu à relativiser le niveau des excédents, estimant qu'ils ne représentaient que 2% de la production du marché, qui est de 90 millions de barils, alors qu'en 1985, ils comptaient pour 6 à 7% de ce marché, qui produisait alors quelque 60 mb/j. En outre, "nous avons des cycles et les cycles se produisent parce que quand les prix sont élevés, nous sur-investissons (...) et nous avons un impact sur la demande. Quand les prix sont bas, nous sous-investissons" et la demande devient positive, a-t-il expliqué. Ainsi, le déclin naturel de la production des champs de pétrole existants, couplé à une hausse de la demande, créeront le besoin d'un million de barils par jour supplémentaires chaque année d'ici 2020, a détaillé le PDG de Total. Cela signifie que "25 millions de barils par jour de nouvelles capacités doivent être lancées entre aujourd'hui et 2020" dans un contexte où les investissements sont quasiment à l'arrêt, a poursuivi M. Pouyanné, estimant que le déficit d'offre d'ici 2020 devrait atteindre entre 5 et 10 millions de barils par jour. "Si nous continuons comme cela, nous préparons le prochain rebond" des prix du pétrole, a-t-il assuré. Mais ce calcul pourrait toutefois s'avérer dangereux, a jugé Roberto Casula, le chef du développement de la compagnie italienne ENI, car si l'industrie pétrolière réduit trop drastiquement ses investissements, sur fond de chute des prix du brut, elle court le risque de ne pas pouvoir faire face à la croissance de la demande. "L'effet général (de la chute des cours) est que les dépenses d'investissements en amont ont été réduites à des niveaux dangereux", a relevé M. Casula, précisant qu'après une baisse de 20% en 2015, ils devraient être encore réduits de 50% cette année. On pourrait justifier la baisse des investissements par le fait que la demande est plus faible, a argué M. Casula, mais elle a augmenté en 2015 et est à son plus haut niveau depuis 2010. "Si nous ne sommes pas capables de faire mieux correspondre la structure des coûts aux prix et de maintenir un niveau raisonnable d'investissements, nous risquons de compromettre la structure (même) de l'industrie", a-t-il prévenu. De son côté, le directeur général de la compagnie pétrolière britannique British Petroleum (BP), Bob Dudley, a ainsi jugé "qu'un équilibre journalier entre l'offre et la demande au niveau mondial" allait intervenir à un moment donné dans la seconde partie de l'année, au troisième ou quatrième trimestre. "Je pense que nous allons (alors) commencer à voir les fondamentaux reprendre le dessus", a-t-il ajouté, soulignant que même s'il ne s'attendait pas à ce que le pétrole s'échange de nouveau à 100 dollars le baril de sitôt, "le cycle des matières premières (n'était) pas terminé" pour autant. Ainsi, pour M. Dudley, l'annulation ou le report de quelque 400 milliards de dollars de projets dans le secteur pétrolier en raison de la faiblesse des cours "va provoquer une nouvelle réaction (du marché)". Igor Setchine, le directeur général du géant pétrolier russe Rosneft, a pour sa part estimé que le déséquilibre du marché allait se réduire cette année et qu'un déficit de 500.000 barils par jour pourrait intervenir d'ici fin 2017 même si, selon lui, ce processus de rééquilibrage est susceptible d'être ralenti par deux facteurs clés: "d'un côté, une potentielle augmentation de l'offre de pétrole de l'Opep et de l'autre une augmentation des livraisons de pétrole des Etats-Unis".