Le président français, François Hollande, préside ce jour, en fin d'après-midi, la cérémonie parisienne de commémoration du 54e anniversaire du cessez-le-feu du 19 mars 1962 qui a mis fin à la Guerre d'Algérie et ouvert la voie à l'indépendance de la colonie intervenue le 5 juillet de la même année. Les ambassadeurs d'Algérie, du Maroc et de la Tunisie en France seront présents à la cérémonie commémorative, sur invitation de M. Hollande. C'est la première fois, qu'un chef d'Etat français se recueillera devant le mémorial du quai Branly dédié «à la mémoire des victimes civiles et militaires de la Guerre d'Algérie et des combats en Tunisie et au Maroc». Il prononcera un discours annoncé comme important, qui serait le pendant de celui qu'il a prononcé à Alger en 2012 devant les députés et sénateurs algériens, car, dit-on de source élyséenne, «il était essentiel de voir le Président s'exprimer sur le sol français dans le cadre d'une cérémonie mémorielle». Il ne serait pas question de repentance, dit-on encore en soulignant qu'avec l'Algérie on avance positivement à petits pas sur la question de la mémoire. Car, «l'ambition du Président est d'embrasser toutes les mémoires, parfois disparates, en vue d'une paix des mémoires». M. Hollande s'adressera donc à toutes les mémoires dans un souci d'apaisement avec l'ambition de démontrer que «la France est un pays capable de regarder son histoire». Ces «mémoires disparates», communautaristes, sont françaises, donc un problème franco-français, et elles n'ont pas attendu le discours de Hollande pour s'exprimer afin de manifester polémiques et désaccords sur le choix du 19 mars pour la commémoration adopté pourtant par les députés et les sénateurs par une loi du 8 novembre 2012. Celle-ci avait mis fin à une autre date neutre, basée sur aucune justification historique ou symbolique, le 5 décembre, décrété en 2003 par Jacques Chirac. Des associations de nostalgiques de l'Algérie française sont irréductiblement contre la date du 19 mars. «Mais elles sont contre le 19 mars 1962 depuis le 19 mars 1962 ! Et incapables de proposer une autre date !», s'exclame l'historien Benjamin Stora qui ajoute : «C'est viscéral. Ils en font leur fonds de commerce. C'est leur identité politique bâtie sur la grandeur de l'empire colonial.» Il rappelle que de nombreuses associations soutiennent la date du 19 mars, mettant en relief celui des soldats, de ceux qui ont fait la guerre qui sont plus de 1,5 million. «Tous les français nés entre 1932 et 1943 ont fait la guerre d'Algérie», précise l'historien. La droite politique, comme l'extrême-droite, n'est pas en reste pour s'opposer à Hollande. Elle se manifeste par des prises de positions radicales avec souvent le refus d'assister aux cérémonies de commémoration qui se déroulement dans chaque chef-lieu de départements où les préfets prononceront une allocution. La réaction la plus éloquent est celle de l'ancien maire de Nice et nouveau président de la Région du midi de la France (Paca), Christian Estrosi, qui a déclaré que «participer à ces cérémonies constituerait une provocation inqualifiable à l'égard de l'ensemble de la communauté des rapatriés et des harkis». Car, «cette date constitue pour eux un déni de vérité». Pour lui, le 19 mars est une date qui «marque le début des enlèvements et du massacre de milliers de civils européens et de harkis». L'OAS et sa politique de la terre brûlée, ses massacres et ses assassinats, responsable de la tragédie de mars à juin 1962, a disparu de la mémoire de monsieur Estrosi. Mais dans cette guerre des mémoires franco-françaises, même l'ancien président Nicolas Sarkozy est monté au créneau dans une tribune publié dans Le Figaro pour accuser son successeur d'«entretenir la guerre des mémoires». Dans un texte où il n'y a aucune agressivité à l'égard de l'Algérie (ménage-t-il l'avenir si jamais il se faisait élire pour la second fois chef d'Etat en 2017 ?), le chef du parti Les Républicains argumente son accusation et accuse aussi son successeur à l'Elysée de placer la France «du mauvais côté de l'histoire». «Choisir la date du 19 mars, écrit Sarkozy, que certains continuent à considérer comme une défaite militaire de la France, c'est en quelque sorte adopter le point de vue des uns contre les autres, c'est considérer qu'il y a désormais un bon et un mauvais côté de l'Histoire et que la France était du mauvais côté.» Y a-t-il un historien qui pourrait démontrer qu'un pays colonialiste, occupant un autre pays, dominateur et exploiteur d'un peuple qu'il oblige à mener une longue, dure, atroce et meurtrière guerre de libération pour acquérir son indépendance, peut se trouver du bon côté de l'histoire ? M. M.