La date de l'élection présidentielle est désormais connue. Evident, aussi, que trois hommes et une femme seraient dans la short list de sparring-partners du candidat sortant. Un nationaliste du sérail, un islamiste de pure obédience, un nationalo-islamiste b.c.b.g. et une ouvriériste de pure tradition. Sûr, également, que le candidat majeur succèdera à lui-même. L'affirmer, c'est inventer l'eau chaude politique ou ouvrir une porte électorale béante. Finalement, la question valant son pesant de pétrodollars consiste à savoir s'il sera bien ou mal élu. A savoir, reconduit avec un bon score. Surtout pas avec un pourcentage digne de maréchaux de républiques exotiques. De préférence, avec un taux de participation appréciable. Important même. La question est certes importante mais elle n'est tout de même pas surdéterminante. L'essentiel est évidemment ailleurs. Il est dans la capacité du président réélu à transformer son troisième mandat en levier d'Archimède. A graver son empreinte sur le marbre de l'Histoire. Ne pas y entrer par des portes cochères ou en sortir à travers des lucarnes. Après deux mandats laborieux dédiés à la réconciliation nationale et à la neutralisation des centres de pouvoirs parallèles, des groupes de pression politique et des lobbys économiques et financiers, le président Abdelaziz Bouteflika aura donc l'occasion de vêtir le bouteflikisme du burnous de l'Histoire. Ceci dit, en passant, il aura l'occasion de clouer au pilori tous les cassandres et autres nécrophores qui tablent sur les aléas de la biologie pour miser sur un incertain raccourcissement de troisième mandat. Et, espèrent-ils se porter candidats à quelque miraculeuse cooptation par un collège secret de démiurges du pouvoir réel. Sur le plan économique, beaucoup a été fait en termes de rattrapage du retard considérable dans le domaine des infrastructures de base. Cet effort titanesque ne doit pas faire oublier que le troisième mandat devrait être celui de l'approfondissement des réformes engagées et de l'accélération de leur rythme. Cinq années à consacrer aussi à l'indispensable réforme du système bancaire dont l'archaïsme, l'anachronisme et l'obsolescence constituent un danger pour la sécurité économique du pays. En même temps, à mettre au point une politique industrielle digne de ce nom. A lancer de même les bases d'une économie productrice de valeur ajoutée. Dans ce registre de travaux d'Hercule, figure par ailleurs la nécessaire réforme de l'Etat et de l'administration territoriale. Cette réforme est restée trop longtemps dans les cartons pour ne pas être lancée à un moment où le temps sera la monnaie qui manquera le plus au président réélu. Maître de l'agenda, celui-ci, qui ne l'ignore pas, n'est pas pour autant maître du temps. Le temps du troisième mandat, c'est une plate évidence, sera inéluctablement celui de la vitesse des turbocompresseurs. Une autre course contre la montre consisterait à redonner du sens à cette vieille formule boumediéniste de «l'Etat qui survit à la disparition des hommes». Vaste entreprise impliquant une profonde révision de la Constitution. Une substantielle modification qui conforterait les équilibres des forces dans le pays. Et, du coup, consacrerait un pouvoir présidentiel où l'exécutif ne serait pas réduit à un seul homme. Où le Parlement ne serait pas un synonyme algérien de croupion. Une réforme qui organiserait les conditions réelles de l'alternance démocratique au pouvoir. Garanties constitutionnelles permettant d'éviter, en cas de vacance du pouvoir, de revenir à la sempiternelle règle de la cooptation par les pouvoirs de l'ombre. En somme, le président Abdelaziz Bouteflika, produit de l'histoire du mouvement d'émancipation de l'Algérie, a l'occasion historique de faire basculer son pays dans la normalité. Et la normalité, c'est la modernité démocratique. N. K.