Le candidat déclaré du courant islamiste de cette présidentielle s'est fait ramasser avec un pitoyable taux de 1,37% des suffrages exprimés. L'autre candidat apparenté à ce courant, Mohand Saïd, lui, n'a récolté qu'un petit 0,92% des voix. Si l'on se fie à l'arithmétique, la mouvance islamiste a été tout simplement laminée avec le soutien actif du MSP de Bouguerra Soltani, l'allié obligé du pouvoir. Reste le fantôme de Djaballah qui devrait hanter les nuits de ceux qui, au pouvoir, échafaudent des scénarii de prospective politique. C'est que, à l'état de l'équarrissage actuel de cette mouvance, Djaballah apparaît comme le plus rétif des chefs islamistes à la négociation avec les tenants du pouvoir. Il incarne en même temps l'image d'un homme radical, capable de produire un discours fédérateur aux accents « Benhadjiens ». Déchu par deux fois de deux partis qu'il a lui-même créés et lancés (Ennahda puis Islah), Djaballah s'en est sorti toujours grandi d'une succession de redressements façon FLN, tant sa base lui est restée fidèle. Le fait que les actuels dirigeants d'Ennahda et même d'El Islah lui déroulent presque le tapis rouge pour reprendre sa place naturelle de leader islamiste désormais incontestable dénote de son charisme et de son influence sur la large base de ce courant qui va de l'ex-FIS jusqu'aux déçus du « participationisme » version MSP. Aux yeux des militants islamistes acquis au projet de conquête du pouvoir, Abdallah Djaballah est sans doute l'homme providentiel. C'est un personnage qui se situe au plan programmatique à équidistance entre le radicalisme d'un Ali Benhadj et le soutien critique de Bouguerra Soltani. Il faut croire que cette posture fait de lui le réceptacle naturel de ceux nombreux qui n'apprécient ni la méthode « hard » du premier ni celle « soft » de l'autre cataloguée dans le registre du « service commandé ». Pour Djaballah, la feuille de route est claire : il faut prendre le pouvoir, mais pas à la manière dont s'est pris le FIS dissous. Ce qui s'apparente à bien des égards à un « FIS » sans le FIS. On comprend mieux pourquoi cet homme dérange beaucoup les autorités au point d'être à chaque fois contraintes de le « redresser » en étêtant ses partis qui filent tout droit vers les cimes du pouvoir. Mais force est de constater que malgré ses mésaventures, Djaballah n'a jamais renoncé à son projet ni perdu le contact avec ses ouailles. Les résultats des dernières élections sont du pain béni pour le Cheikh qui devrait se frotter les mains sur des lendemains qui chantent. Djahid Younsi, candidat malheureux, lui, devrait tirer les conclusions d'une volonté de puissance – un peu arriviste – sans commune mesure avec son épaisseur et son parcours politique. Islamiste B.C.B.G. On pourrait donc assister à une possible redistribution des cartes de cette « SPA islamiste » autour d'El Islah et Ennahda, avec comme « actionnaire majoritaire » Abdallah Djaballah. Et en prévision de la présidentielle, il sera le candidat « idéal » de cette mouvance qui devrait animer l'opposition islamiste d'ici là. En face, le MSP de Bouguerra Soltani qui commence à irriter ses partenaires de l'Alliance sur sa surenchère autour d'un partenariat politique risque de laisser des plumes. L'annonce d'un nouveau parti emmené par son opposant Abdelmadjid Menasra augure d'un avenir incertain pour le parti de défunt Nahnah. Le pouvoir, qui fait des « redressements » un moyen imparable de mettre hors jeu ses adversaires, pourrait trouver son compte dans le fractionnement du MSP. Bouguerra Soltani, qui ne cesse de promettre la prise du pouvoir par son parti en 2012 et la présidence en 2014, risque de voir son rêve tourner au cauchemar. Fait significatif, son frère ennemi Menasra ne s'inscrit pas forcément dans une autre ligne politique. La preuve ? E Comme Soltani, l'ex-ministre de l'Industrie a fini par soutenir Bouteflika. Son futur parti devrait donc, le cas échéant, suppléer ou coexister avec le MSP au sein de l'Alliance présidentielle. Une atomisation qui profiterait à Bouteflika dans sa volonté jamais démentie d'anéantir les capacités de « nuisance » d'un quelconque courant sans aller jusqu'à lui couper la tête. Aussi, un éventuel agrément du parti de Mohand Saïd servirait à siphonner quelques militants BCBG de cette obédience. Il va de soi que le président Bouteflika, qui promettait en 1999 de fédérer les Algériens « de la jupe de Khalida Messaoudi jusqu' à la barbe de Djaballah », se met lui aussi dans la peau d'un islamiste invétéré. Avec son projet d'amnistie générale, il voudrait brasser le plus large possible dans cette mouvance pour se présenter dans le « qamis » du « commandant des croyants ». De la sorte, il couperait l'herbe sous les pieds de Djaballah et consorts en leur enlevant ce fonds de commerce à forte mobilisation. L'objectif étant de déblayer le terrain à son successeur qui ferait consensus parmi tous les clans qui gravitent autour du pouvoir, mais surtout qui ne soit pas islamiste.