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Le calvaire des Républicains
Donald Trump met à mal le parti
Publié dans La Tribune le 21 - 06 - 2016

Les principales inquiétudes concernant Trump – parmi les Républicains tout autant que parmi les Démocrates et les Indépendants – sont dues à son manque d'information sur les questions auxquelles le confronterait la fonction présidentielle et, plus inquiétants encore, à son égocentrisme, à son impulsivité et à sa conduite irréfléchie. Il n'éprouve aucun remords à se servir du racisme pour nourrir ses ambitions, et ses détracteurs, craignant qu'il ne s'aliène en masse les minorités, y voient un danger supplémentaire
En Amérique, les temps sont durs pour le Parti républicain. Si la base s'est ralliée à la candidature de Donald Trump, les élus républicains du Congrès ont plus de mal à l'accepter comme enseigne. Rien de pareil n'est jamais arrivé dans la vie politique américaine.
On aimerait croire que ces Républicains qui n'ont pas pris position (ou ont exprimé leurs réticences) sont motivés par leurs principes. Pourtant, s'ils peuvent effectivement nourrir quelque inquiétude sur le comportement et les capacités de leur candidat présomptif à exercer la fonction présidentielle, la plupart sont surtout préoccupés de l'impact qu'il peut avoir sur leur propre avenir. Ainsi se retrouvent-ils déchirés entre leurs états d'âme et leur électorat, qui aime Trump, quelles que soient son inexpérience, son imprévisibilité et sa vulgarité. En dépit de tous les discours sur l'unité du parti, seuls 11 des 54 sénateurs que comptent les Républicains soutiennent officiellement Trump, et à la Chambre des représentants, seuls 27 des 246 élus républicains se sont prononcés en sa faveur.
Quand bien même Trump n'aurait pas remporté la nomination, la domination républicaine sur le Sénat aurait cette année été mise en péril. Vingt-quatre Républicains sont en lice pour leur réélection, un chiffre inhabituellement élevé, et dix au moins risquent de perdre leur siège, dont six seulement soutiennent officiellement Trump.
Les principales inquiétudes concernant Trump – parmi les Républicains tout autant que parmi les Démocrates et les Indépendants – sont dues à son manque d'information sur les questions auxquelles le confronterait la fonction présidentielle et, plus inquiétants encore, à son égocentrisme, à son impulsivité et à sa conduite irréfléchie. Il n'éprouve aucun remords à se servir du racisme pour nourrir ses ambitions, et ses détracteurs, craignant qu'il ne s'aliène en masse les minorités, y voient un danger supplémentaire. En accusant les migrants musulmans du meurtre de 49 personnes dans un bar gay d'Orlando, en Floride, alors même que le tueur était né, tout comme lui, dans le Queens, à New York, Trump recourt simplement à sa tactique habituelle.
Pour ce qui est des Républicains, cette crainte de blesser les minorités n'est pas sans hypocrisie. Les candidats républicains, depuis la campagne de Barry Goldwater aux élections présidentielles de 1964, marquent une certaine sympathie envers les sentiments racistes. Ils le font néanmoins avec assez de subtilité pour échapper à la réprobation générale.
Ainsi Richard Nixon, par exemple, a-t-il fait comprendre aux électeurs des Etats du Sud et aux ouvriers du Nord qu'il n'était pas favorable aux tentatives jugées autoritaires de déségrégation scolaire. Et Ronald Reagan a lancé sa campagne, en 1980, non loin de la ville de Philadelphia, dans l'Etat du Mississippi, où trois militants des droits civiques avaient été assassinés par des partisans de la suprématie blanche en 1964.
Ce recours au double langage, à des allusions qui fonctionnent comme des «sifflets à chien», audibles et compréhensibles par ceux-là seuls auxquelles elles sont destinées, permet aux candidats et à leurs partisans de nier tout soutien explicite aux thèses racistes. Mais Trump a franchi la ligne rouge. En qualifiant de «violeurs» les sans-papiers mexicains, en proposant d'interdire aux musulmans le sol américain, il a peut-être touché la corde sensible d'une part suffisante de la base républicaine, mais il a réduit à néant la marge de dénégation de ses partisans.
Mitch McConnell, chef de la majorité républicaine au Sénat et Paul Ryan, président de la Chambre des représentants, tentent tous deux de protéger leurs troupes en maintenant une certaine distance avec Trump. Ryan a moins de raisons que McDonnell de craindre l'effondrement de sa majorité, mais il ne veut pas courir le moindre risque, et les membres les plus conservateurs de la Chambre le pressent d'apporter à Trump un soutien sans réserve.
Bien qu'il n'ait obtenu aucune concession de Trump quant aux différences de fond entre ce dernier et le programme du parti (concernant notamment les accords commerciaux et les programmes de dépenses obligatoires liées aux régimes des pensions de vieillesse et d'invalidité ou à Medicare), pas même la promesse de tempérer sa rhétorique, Ryan a publié le 2 juin, dans un journal local, une tribune sans enthousiasme, où il affirme qu'il votera pour Trump. Le jour même, Trump se livrait publiquement à une attaque raciste envers le juge fédéral Gonzalo Curiel, qui instruit les plaintes pour fraude portées contre la Trump University, laquelle incitait ses élèves à dépenser de grosses sommes d'argent afin de s'entendre révéler le secret des techniques d'investissement ayant fait la fortune de Trump. Le magnat de l'immobilier n'a pas apprécié qu'on qualifie d'escroquerie sa défunte «université».
S'exprimant devant des foules nombreuses, Trump a prétendu que Curiel, parce qu'il était mexicain, ne pouvait pas se montrer impartial à son égard. Curiel est né dans l'Indiana. Cet appel sans ambages à l'intolérance, au service de ses propres intérêts, fut pour certains Républicains, qui avaient toléré ses précédentes attaques contre les Latinos, le mot de trop. Désormais candidat, Trump réduisait d'autant plus les chances de son parti auprès d'un des groupes démographiques dont la croissance est la plus rapide du pays.
Ryan, pourtant, a feint la surprise, et jugé que ces propos «venaient comme un cheveu sur la soupe». Lorsqu'elles se sont renouvelées, il a considéré les attaques contre Curiel comme un «cas d'école de racisme», mais néanmoins réitéré son appui à Trump, car la candidate présomptive des Démocrates, Hillary Clinton, n'offre pas une issue acceptable.
Le premier objectif de McDonnell est de protéger la majorité républicaine au Sénat. Mais s'il soutient officiellement Trump, il en est aussi fréquemment le détracteur. Ainsi a-t-il récemment affirmé s'inquiéter du fait que Trump «ne comprend pas grand choses aux problèmes». Mark Kirk, sénateur républicain qui devra livrer une âpre bataille pour sa réélection, a retiré son soutien à Trump. McDonnell a dit qu'il n'excluait pas d'en faire autant.
Les attaques racistes de Trump contre Curiel ainsi que sa réaction à la tragédie d'Orlando ont ravivé les spéculations sur les tentatives de lui faire barrage lors de la convention du parti en juillet. Mais une fois de plus, les conversations achoppent sur l'identité de celui ou de celle qui pourrait sauver le parti de cet hôte indésirable.
E. D. (Traduction François Boisivon)
* Collaboratrice régulière du New York Review of Books
In project-syndicate.org


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