De notre correspondant à Oran Samir Ould Ali Comment espérer avoir un cinéma amateur lorsque le cinéma tout court n'existe plus en Algérie ? C'est la question que tout un chacun se pose lorsque le sujet est évoqué. «Il faut de prime abord disposer de salles de cinéma qui fonctionnent normalement, car cela fait 25 ans que ces lieux d'art et de culture sont abandonnés. Bien que leur réhabilitation soit souvent annoncée ; à ce jour, celles-ci sont restées désespérément fermées. C'est simplement laxiste de la part des responsables concernés !» assène Saïd, cinéphile invétéré qui vit très mal le scandale des salles de cinéma. Au mois de janvier dernier, l'on apprenait que quatre salles (Marhaba, El Feth, Es Saada et El Maghreb) faire l'objet d'une opération de réhabilitation pour un coût de 300 millions de dinars. Selon des sources proches de l'APC d'Oran, les salles devraient rouvrir leurs portes à la fin de l'année en cours : «Je ne crois plus à ce genre d'annonces», doute encore Saïd, qui poursuit : «Plusieurs promesses du genre ont été annoncées mais à ce jour mais rien n'est jamais arrivé.» Il est vrai que, hormis la Cinémathèque d'Oran, dont les gestionnaires s'échinent à assurer une activité, aucune des 30 salles de spectacles situées à Oran n'a rouvert ses portes depuis que le secteur privé s'en est emparé, dans les années 1980, pour les transformer en salles de jeux ou en cafés. «Comment, dans pareille situation, évoquer le cinéma amateur ?», s'interroge notre interlocuteur. Pourtant, durant l'été 2007, un film amateur avait été projeté à la Cinémathèque, qui prouve que le cinéma amateur peut avoir sa place en dépit de tout. C'était Visa de mort, du jeune Samir Dellal, un court métrage décrivant, laborieusement il est vrai, les dangers qui guettent les candidats à l'immigration clandestine. Réalisé en une année avec de très modestes moyens (500 000 dinars, une caméra, des acteurs amateurs), Visa de mort avait, selon son réalisateur, cette seule ambition de démontrer que les jeunes ont la tête pleine d'idées, qu'ils peuvent créer et produire, réaliser des films ou monter des projets, pour peu que les tuteurs leur en donnent les moyens : «Avec beaucoup plus d'intérêt de la part des autorités locales et des moyens autrement plus importants, ce jeune réalisateur de 31 ans, qui a déjà un sketch à son actif, aurait sans doute pu produire un film d'une autre facture», avait-on estimé parmi les journalistes et le public. Depuis cette date, le cinéma amateur ne s'est plus manifesté à Oran et, personne parmi les responsables de la culture, n'y a plus fait allusion. Sans doute qu'il y a déjà trop à faire avec le théâtre et la chanson rai pour encore s'embarrasser avec un cinéma amateur aux contours très flous. Il faut, à ce stade, souligner que le genre amateur n'est plus ce «cinéma inférieur», de moindre qualité, comme on pourrait le croire ou comme il pouvait être qualifié il y a quelques années. L'année dernière, il lui est même arrivé de surclasser, en février 2008, le «grand cinéma», celui des stars et des gros moyens, du moins en France. La graine et le mulet, de Abdellatif Kechiche, majoritairement interprété par des amateurs, régnait sur la cérémonie, il est vrai un peu morose, des Césars et raflait quatre récompenses (meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleur espoir féminin), trois mois plus tard, Entre les murs, du réalisateur Laurent Cantet, également interprété par des amateurs, décrochait la Palme d'or du Festival de Cannes, au nez et à la barbe des plus grands acteurs et actrices du cinéma mondial. Il est vrai que dans ces parties du monde, les salles de cinéma se trouvent dans un bien meilleur état que les nôtres.