Entretien réalisé par Salah Benreguia LA TRIBUNE : En dépit de la crise financière, l'Algérie a démontré une certaine résistance à ce choc. Notre pays est-il attractif en ces moments d'incertitudes ? Lotfi Halfaoui : Nous ne pouvons occulter la crise économique et financière mondiale qui touche la planète pour évaluer le climat d'affaires qui se confond au climat d'investissement chez nous. La majorité des pays a réduit son train de vie et, paradoxalement, ce n'est pas le cas chez nous, hormis quelques «redressements». De ce point de vue, oui, notre pays est attractif. Est-ce que les différentes mesures concernant, par exemple le foncier, les réformes bancaires lancées en grande pompe, et les dernières orientations relatives aux modalités des investisseurs étrangers décidées par le gouvernement peuvent contribuer à améliorer ce climat ? Les critères et termes de référence des différents organismes que vous avez cités mettent en évidence les délais et coûts pour la création d'entreprises, l'embauche de travailleurs, l'obtention de prêts, la protection des investisseurs, etc. Un effort considérable a été réalisé par nos administrations mais il reste en deçà des exigences de modernité et de bonne gouvernance. Sur l'indice de protection des investisseurs, par exemple, l'Algérie est leader régional, se trouvant au 64e rang, la Tunisie au 147e rang et enfin le Maroc au 158e rang mondial. Pour l'indice portant sur les mesures de l'ensemble des procédures requises pour construire un entrepôt en matière de délais nous avons un indice de 126 quand la Tunisie pavane avec un indice de 17. Voilà un exemple d'effort à fournir pour soulager les promoteurs des carcans administratifs dans la réalisation de projets d'investissement et qui induira une nette amélioration de notre classement par exemple dans le Doing Business (actuellement 125ème et la Tunisie 88ème). J'estime que nous devons nous atteler à d'autres efforts pour fluidifier et réduire nos circuits administratifs relatifs à l'investissement, l'export, les services financiers, etc. Quelles sont les conditions minimales requises pour parler d'un climat d'affaires sain en Algérie ? Il me semble que c'est un état d'esprit qui fait défaut, une culture entrepreneuriale qui est absente chez une partie de nos administrations. Les promoteurs se plaignent d'avoir affaire à des fonctionnaires qui excellent dans le respect de la forme d'une procédure mais qui n'en comprennent pas l'esprit. La notion de temps aussi est oubliée. Il y a tout un retard à rattraper pour «mettre en rang de bataille» l'administration et les institutions au service du développement de l'économie. Il me semble, qu'à ce moment-là, nous pourrions dire que beaucoup a été fait pour que le climat d'affaire normalisé, respectueux des standards de qualité universellement avérés, soit bon chez nous. Que doivent faire les pouvoirs publics pour améliorer cet environnement ? Pour mener à bien ce projet de développement économique national, il faut le concours de tous. Certes, l'Etat a un rôle majeur à jouer avec ses institutions pour réglementer, contrôler et écouter tous les intervenants sur la scène économique. Les quotidiens rapportent de plus en plus de contacts entre des ministres et opérateurs pour aplanir les difficultés de ces derniers. Les solutions sont à portée de main si les organisations professionnelles étaient plus crédibilisées. Nous espérons que l'amélioration du climat d'affaires équivaudra à la création de milliers d'emplois, par des investissements productifs massifs en grande majorité par des nationaux. La décision de modifier le rapport de force dans les IDE au profit du partenaire national est un début de «réaction» positive. L'amélioration de l'environnement économique doit d'abord profiter aux intérêts des nationaux. Concrètement, quelles sont les mesures qui devraient être prises pour combler les lacunes que vous avez relevées ? Il me semble que la préoccupation prioritaire est de se poser la question pour les opérateurs nationaux. Il faudrait tout faire pour faciliter encore davantage la promotion de l'investissement national, seul à même de créer les milliers d'emplois dont nous avons besoin. L'investissement étranger est le plus souvent capitalistique, c'est-à-dire qui consomme beaucoup de capitaux mais qui crée peu d'emplois et répond à un marché d'export plutôt qu'à la satisfaction de besoins locaux. L'enjeu est là !