La scène se déroule à Canton, en Chine, 13 millions d'habitants. Dans un immeuble de verre et de granit noir qui borde l'une de ces artères ultramodernes et ultradéprimantes dont les villes chinoises ont désormais le secret, trône un écran géant. La scène se déroule à Canton, en Chine, 13 millions d'habitants. Dans un immeuble de verre et de granit noir qui borde l'une de ces artères ultramodernes et ultradéprimantes dont les villes chinoises ont désormais le secret, trône un écran géant. Vingt-deux mètres de long, 5 mètres de haut. Il fait la fierté de l'autorité cantonaise de transport ferroviaire : la Guangzhou Metro Corporation (GMC). C'est le plus grand écran d'un centre de contrôle pour un réseau de métro. Il ose même surpasser le super-écran de Pékin, la capitale, qui, normalement, doit être première en tout. Seul hic : ce métacentre de contrôle, vendu à GMC par les ingénieurs de Thales Hongkong, ne fonctionne pas encore en ce début d'été 2016. Parmi la dizaine de salariés placés ici par leur supérieur, aucun ne sait manifestement piloter ce monstre dont l'utilité paraît discutable : les «petits» centres de contrôle de chacune des lignes suffisent amplement à assurer le cadencement et la sécurité des rames. 540 kilomètres de lignes à Shanghaï L'anecdote est révélatrice. Les chantiers de métro sont une priorité politique et économique de Pékin. Quitte à dépenser à tort et à travers : rien n'est trop grand, rien n'est trop cher, rien ne va trop vite. Ainsi en a décidé le comité central du Parti communiste chinois (PCC) dans son plan d'urbanisation pour la période 2014-2020. Ce programme attribue 1 300 milliards de yuans (176 milliards d'euros) à la seule construction de lignes de métro dans trente-cinq métropoles du pays. C'est tout simplement l'un des plus gigantesques efforts d'investissement de l'histoire du transport. Le développement de trois réseaux existant à Chengdu, Qingdao et Guiyang, représentant 420 kilomètres, a ainsi été validé, le 25 juillet. Chaque année, vingt-cinq lignes voient le jour dans le pays. Et ce n'est pas près de s'arrêter. «Cela durera aussi longtemps que 20 millions de Chinois quitteront chaque année leurs campagnes pour s'installer en ville», résume Christian Grégoire, patron pour la stratégie et la technique de l'activité transport de Thales. A Canton, la mégapole dispose déjà de neuf lignes de métro en service et onze nouvelles sont en construction. Shanghaï et ses 540 kilomètres de lignes a atteint en vingt ans deux fois la taille du réseau parisien, qui a mis un siècle à se constituer. Vertige… Des miettes du gâteau pour les étrangers Les champions français du ferroviaire et du transport public – Alstom, Keolis, Thales, Transdev, RATP Dev – salivent devant cette manne à nulle autre pareille. Régulièrement, des contrats sont annoncés. Parmi les derniers en date, un accord signé le 30 juin : Alstom fournira le système de traction de la ligne 3 du métro de Chengdu (9,5 millions d'habitants) dans le centre du pays. En mai, Keolis, filiale de la SNCF, est devenu opérateur de la ligne 8-3 du métro de Shanghaï. Il y a quand même un petit problème. L'essentiel de ce gâteau est réservé aux Chinois, les étrangers n'auront que les miettes. La volonté gouvernementale de constituer des numéros un mondiaux chinois dans tous les secteurs est passée par là. Le secteur ferroviaire n'y échappe pas. CRRC, par exemple, le conglomérat géant issu de la fusion entre deux industriels chinois du train, emporte sans coup férir la grande majorité des nouveaux marchés de livraison de matériel roulant. Pourtant, il y a moyen de gagner de l'argent pour un groupe français, mais sous certaines conditions. Il faut d'abord créer une coentreprise avec une société chinoise. La majorité du capital doit revenir à l'acteur local ; c'est même une obligation légale dans les secteurs stratégiques. Donnant-donnant Alstom, pionnier du ferroviaire en Chine, a ainsi créé cinq coentreprises parmi lesquelles figurent des poids lourds du marché : Satco pour le matériel roulant, Satee pour la traction, Casco pour la signalisation. En Chine, cette dernière est d'ailleurs leader sur le segment de l'automatisation des lignes, talonnée par TSC, coentreprise créée par Thales à Shanghaï. Autres fourches Caudines sous lesquelles il faut passer : le transfert de technologie. L'échange donnant-donnant est sans ambiguïté : la société occidentale apporte l'ingénierie, le partenaire chinois les clients. Mieux vaut alors sélectionner avec soin son allié. Pour créer TSC par exemple, Thales s'est associé avec le conglomérat Shanghai Electric. Un choix réfléchi : ce géant des centrales thermiques et nucléaires, qui n'a aucune expertise dans le transport, ne peut être un concurrent direct de Thales par ailleurs. Même avec un partenaire bien choisi, le risque de pillage technologique demeure. «Une coentreprise, c'est d'abord un contrat qui permet de border le transfert de technologie, tempère Jean-François Beaudoin, senior vice-président d'Alstom pour la région Asie-Pacifique. Nous n'avons jamais connu de conflits commerciaux en vingt ans d'activité. Nos partenaires apprécient nos performances en matière de sécurité et de capacité à délivrer à temps. C'est surtout cela qui compte.» Le marché du tramway est en train de décoller Et transfert de technologie ne rime pas forcément avec naïveté. «La vitesse à laquelle nous introduisons de l'innovation dans le joint-venture est contrôlée», explique M. Beaudoin. Un cadre de Thales abonde en son sens : «Certes, nous partageons la technologie prête à l'emploi, mais aucune ligne de code ne sort jamais de notre centre de recherche et de développement de Toronto (Ontario, Canada).» «Il faut être chinois en Chine, synthétise Laurent Guyot, patron de Thales dans le pays. C'est une condition nécessaire pour y faire des affaires.» A Shanghaï, Thales a embauché une majorité d'ingénieurs locaux, issus des grandes universités du cru, dont les ingénieurs expatriés soulignent la compétence. Et puis il y a les détails pittoresques qui font le charme du pays, comme l'obligation légale de compter, au sein de la direction de la société, un membre du PCC. A plus long terme, les Français voient poindre une nouvelle possibilité de tirer profit de l'eldorado du transport urbain en Chine : le tramway. Le marché est en train de décoller, en particulier dans les mégapoles qui ont un réseau mature de métro. Une demi-douzaine de grandes cités s'équipent déjà, et les industriels tablent sur une trentaine de villes dans les cinq ans. Or, les Chinois maîtrisent mal cette technologie, alors que les Occidentaux sont des spécialistes. Préparez les contrats. E. B. In lemonde.fr Chine : nouveau plongeon des échanges commerciaux Les exportations et importations de la Chine (exprimées en dollars) se sont encore une fois enfoncées de concert en juillet, l'effet devises assombrissant considérablement les chiffres initialement annoncés en yuans, et témoignant de l'essoufflement persistant d'un essentiel moteur économique du pays. Le géant asiatique, principale puissance commerciale de la planète, a vu ses exportations (calculées dans la monnaie américaine) fondre de 4,4% sur un an, à 184,7 milliards de dollars, a fait savoir hier l'administration des douanes. Les douanes n'avaient publié tout d'abord que des montants exprimés dans la monnaie chinoise, qui faisaient au contraire état d'une hausse de 2,90% sur un an. Cet écart saisissant reflète la très forte dépréciation du yuan face au dollar au cours de l'année écoulée. Les chiffres des douanes sont scrutés de près pour jauger la santé de la deuxième économie mondiale : le commerce extérieur reste un des piliers du produit intérieur brut chinois, en dépit des efforts de rééquilibrage engagés par Pékin. Le repli des exportations est plus prononcé que ce qu'attendaient les analystes interrogés par l'agence Bloomberg, qui tablaient en moyenne sur un recul de 3,5%. Les importations du pays se sont enfoncées pour le vingt-et-unième mois d'affilée, dégringolant de 12,5% sur un an, à 132,4 milliards de dollars. Exprimées en yuans, elles n'ont cependant reculé que de 5,70 %. En conséquence, l'excédent commercial chinois a gonflé en juillet à 52,3 milliards de dollars, contre 48,1 milliards le mois précédent. Ces chiffres décevants s'inscrivent dans un tableau déjà morose pour la deuxième économie mondiale : l'industrie est plombée par d'énormes surcapacités de production, l'envolée de l'endettement public et privé inquiète et les réformes structurelles promises piétinent. Le gouvernement s'efforce de rééquilibrer le modèle de croissance du pays vers les services, les nouvelles technologies et la consommation intérieure, mais la transition est douloureuse. In lemonde.fr