Les actionnaires d'Alstom ont approuvé vendredi à la quasi-unanimité le passage sous pavillon américain du pôle énergie du fleuron industriel français, marquant une étape importante dans la saga de son recentrage sur le transport. Au terme d'une assemblée générale extraordinaire ponctuée d'échanges tendus avec le P-DG, Patrick Kron, les actionnaires d'Alstom ont entériné à 99,2% des voix la vente pour 12,35 milliards d'euros de 70% des activités d'Alstom au conglomérat General Electric. L'issue du vote faisait peu de doute, dans la mesure où la transaction était soutenue par le principal actionnaire d'Alstom, le groupe Bouygues, qui détient une participation d'environ 29%. L'Etat français, qui avait fortement pesé sur les négociations au printemps, avait donné début novembre son feu vert formel à l'opération qui aboutira à la transformation d'Alstom en une entreprise dédiée aux transports, un secteur que le groupe juge plus porteur. M. Kron a estimé qu'il s'agissait de la meilleure solution pour assurer la pérennité du groupe, dépourvu selon lui de la taille critique nécessaire pour affronter les difficultés du secteur de l'énergie, en berne en Europe. C'est la meilleure solution pour l'avenir d'Alstom, a assuré le dirigeant, à qui certains actionnaires reprochaient d'avoir élaboré avec GE une usine à gaz. Alstom prévoit de réinvestir 2,6 milliards issus du produit de la cession dans trois coentreprises que le groupe va constituer avec GE dans les énergies renouvelables, les réseaux électriques et les turbines à vapeur, dont certaines équipent les centrales nucléaires. Il en laissera le contrôle opérationnel à son partenaire. La cession doit encore obtenir l'aval des autorités réglementaires dans une vingtaine de pays avant sa finalisation attendue au deuxième trimestre 2015. Alstom, qui construit les emblématiques TGV, a aussi prévu de redistribuer à ses actionnaires de 3,5 à 4 milliards d'euros du produit de la vente par le biais d'un rachat d'actions, mais le super bonus dont devrait bénéficier Patrick Kron a été plutôt mal accueilli. Le conseil d'administration a en effet décidé à l'unanimité de lui allouer une rémunération conditionnelle exceptionnelle d'un montant équivalent à la contre-valeur de 150 000 actions, soit environ 4 millions d'euros en retenant le cours du titre vendredi. Le solde du montant à recevoir servira à la réduction de la dette nette, qui atteignait 3,9 milliards d'euros fin septembre, et au développement du nouvel Alstom.
Amende à charge d'Alstom M. Kron a vanté les belles perspectives du marché mondial des transports, même si les syndicats redoutent la suppression de plus de 300 emplois sur les quelque 600 de cette activité à Belfort, faute de commandes alors que l'entreprise construit de plus en plus localement pour ses contrats à l'étranger. Il faudra traiter en temps et en heure ce problème de la charge à Belfort, mais cela n'a rien à voir avec la viabilité sur le long terme de cette activité dans le transport, s'est énervé Patrick Kron, qui prévoit de passer le flambeau au dirigeant d'Alstom Transport, Henri Poupart-Lafarge, à l'issue de la transaction. Il s'est également rebiffé contre la mise en doute de la capacité du futur groupe à rouler tout seul face à une concurrence croissante avec l'émergence de géants chinois. Vous croyez que le problème de la concurrence, il date d'hier? Vous pensez que les Chinois, c'est la première fois qu'on les voit sur le marché?, s'est-il insurgé. Alstom prévoit de racheter à GE son activité de signalisation ferroviaire pour environ 600 millions d'euros. M. Kron s'est également dit intéressé par l'activité de signalisation de Thales, mais celle-ci n'est pas à vendre. Il a par ailleurs minimisé l'impact de l'amende dont s'acquitterait Alstom pour éviter des poursuites aux Etats-Unis pour corruption, précisant qu'il espérait aboutir prochainement à un accord avec la justice américaine. Il n'a pas confirmé le montant record de 700 millions de dollars évoqué par une source proche du dossier, se contentant de dire que la pénalité devra être entièrement prise en charge par le groupe français. Son impact sera globalement négatif, mais d'une ampleur non significative de 1 à 2% du montant de l'opération de cession, au vu d'ajustements récemment négociés avec GE pour améliorer l'économie générale de leur accord, comme l'utilisation sur une plus longue durée de la marque Alstom, a-t-il dit.