Pour se protéger des moustiques porteurs de Zika, les Etats-Unis n'hésitent pas employer les grands moyens : pulvérisations aériennes d'insecticide et projet de lâcher d'insectes génétiquement modifiés. Des méthodes qui inquiètent les habitants. Dans les écoles du sud de la Floride, le virus Zika s'est invité dans les cartables et les conversations : des bombes antimoustiques distribuées aux élèves ont complété l'attirail de rentrée, tandis que les parents et les enseignants recevaient des instructions pour protéger les enfants. On ne peut pas encore parler de psychose, mais les comtés chauds et humides du Sunshine State sont en état d'alerte, tandis que l'inquiétude grandit aux Etats-Unis sur l'augmentation du nombre de personnes infectées par le virus. Si ce dernier est le plus souvent bénin, il peut néanmoins provoquer des troubles neurologiques, tel que le syndrome de Guillain-Barré, et avoir des effets irréparables sur le développement cérébral du fœtus pendant la grossesse. Quelque 10 000 personnes seraient porteuses du Zika dans le pays et ses territoires organisés (Porto Rico, îles Vierges américaines), dont plus de 1 000 femmes enceintes. Un produit interdit en Europe Alors que de nouveaux cas sont enregistrés chaque jour ou presque dans le sud de la Floride, les autorités cherchent la parade et multiplient les recommandations : les femmes enceintes qui le peuvent sont incitées à éviter les zones à risque; les manches longues et les pantalons sont, malgré la chaleur subtropicale, vivement recommandés. Dans certains quartiers, des tests systématiques ont été effectués. Mais les moyens envisagés pour se protéger ou se débarrasser de l'Aedes aegypti, porteur du virus, ne sont pas du goût de tous. Des pulvérisations aériennes d'un insecticide puissant ont commencé début août sur certains quartiers. Interdit en Europe, le produit utilisé serait hautement toxique. En Caroline du Sud, des apiculteurs ont découvert, le 29 août, des millions d'abeilles mortes dans leurs exploitations. Des scientifiques s'interrogent également sur ses effets sur l'homme. Les autorités sanitaires de Floride ont toutefois assuré que, diffusé «à petites doses», l'insecticide était sans danger. Et les pulvérisations continuent… A l'extrême sud de l'Etat, dans les Keys, ces confettis de terre posés entre l'océan Atlantique et le golfe du Mexique prisés de toutes sortes de moustiques, les craintes de certains habitants les ont conduits à se mobiliser. Une pétition a obtenu plus de 150 000 signatures. Il faut dire qu'une de ces îles huppées a été désignée pour accueillir une première scientifique potentiellement inquiétante : un lâcher de moustiques génétiquement modifiés susceptibles de neutraliser les femelles convoyant la dengue ou le Zika. Là encore, les habitants s'inquiètent des effets sur l'homme et, refusant d'être considérés comme des «cobayes», dénoncent une «Jurassic science». La population tente de se protéger avec des bombes antimoustiques. La compagnie britannique Oxitec, prête à libérer ces fauves d'un nouveau genre, assure que la population de moustiques Aedes aegypti a été réduite de 90% dans les zones où de telles expériences ont été menées, notamment au Brésil. Mais elle devra attendre le 8 novembre et le vote par référendum des habitants concernés pour effectuer ou non ses essais. Faute d'éléments probants sur de possibles risques pour l'homme, la Food and Drug Administration (FDA) a, elle, donné son accord à l'expérimentation début août. Le Congrès pressé par le président Obama Au niveau national, les experts américains ont beau estimer qu'une large propagation du virus est peu probable, le gouvernement fédéral et les autorités sanitaires multiplient les mises en garde. Même le président Barack Obama a sonné l'alarme : le 27 août, il a pressé les parlementaires républicains du Congrès d'adopter des mesures urgentes pour financer la lutte contre le virus dès leur rentrée politique, le 6 septembre. Le gouvernement fédéral a dégagé 81 millions de dollars pour payer les recherches sur un vaccin, mais, souligne le ministère de la Santé, il a dû prélever ces ressources sur des budgets consacrés à la lutte contre Ebola ou à la recherche contre le cancer. Selon Obama, l'absence de budget signifie «des temps d'attente plus longs pour obtenir des diagnostics pertinents, des vaccins retardés. Cela met en danger les Américains». Avant l'été, le Sénat avait accepté de débloquer un budget de 1,1 milliard de dollars; une mesure rejetée par la chambre des représentants. La dernière demande en date de la FDA, elle, risque d'alourdir encore la note : le 26 août, l'agence a recommandé le dépistage du virus Zika dans tous les dons du sang réalisés aux Etats-Unis. Les Etats ont douze semaines pour s'y soumettre. S. Le Bars