S'exprimant, hier, à l'émission L'Invité de la rédaction de la Chaîne 3 de la Radio nationale, le directeur du renseignement douanier de l'administration nationale des Douanes, Boualem Medjbar, a donné des chiffres ahurissants relatifs aux infractions de changes. S'exprimant, hier, à l'émission L'Invité de la rédaction de la Chaîne 3 de la Radio nationale, le directeur du renseignement douanier de l'administration nationale des Douanes, Boualem Medjbar, a donné des chiffres ahurissants relatifs aux infractions de changes. Selon ce responsable, les infractions de changes résultant des surfacturations effectuées par des opérateurs économiques, lors des importations de marchandises, leur ont permis, entre 2010 à 2015, de transférer illicitement vers l'étranger entre 15 à 20 milliards de dinars, chaque année. Autrement dit, l'Etat a dépensé l'équivalent en devises de 75 à 100 milliards de dinars dans des opérations d'importations frauduleuses. M. Medjbar a précisé que durant cette période, en moyenne, 500 procès verbaux/an ont été dressés à l'encontre des contrevenants, donnant lieu à des pénalités cinq fois supérieures à ces transferts. «Entre 2010 et 2015, nous avons établi en moyenne 500 procès verbaux d'infractions de changes par an qui ont été transmis à la justice. Ces opérations frauduleuses ont pris de l'ampleur entre 2013 et 2014, mais contenu de la riposte organisée des services des douanes et celle des pouvoirs publics, ces chiffres ne sont plus aussi alarmants puisque durant 2015 et 2016 nous avons remarqué une régression des montants des pénalités», a expliqué M. Medjbar, précisant que la douane est passée de 300 contrôles par an en 2012 et 2013 à 700 contrôles en 2015 et 2016. «Au premier trimestre 2016, les opérations frauduleuses enregistrées sont de l'ordre de 8 milliards de dinars. Elles étaient de l'ordre de 20 milliards de dinars en 2015 et de l'ordre de 40 milliards de dinars en 2014», a avancé l'invité de la Chaîne III. Ce responsable a également dévoilé que certaines des marchandises importées se sont révélées être sans aucune valeur commerciale, à l'exemple de machineries usagées, de détritus et divers déchets, de pierres et même des conteneurs vides de tout contenu. Le but évidemment de ces opérations étant le transfert illicite de devises. A la question de savoir si l'importance des opérations frauduleuses reflètent une vigilance minime des services des douanes, le directeur du renseignement douanier a tenu à rappeler que les constats de fraudes sont faits dans le cadre des contrôles effectués à postériori par la douane. «Les constats d'infraction se font après importation, lors de l'ouverture des conteneurs. Force est de constater qu'après l'ouverture des conteneurs les transferts ont déjà été effectués dans le cadre du règlement du crédit documentaire. Malgré notre intervention en aval, nous avons alerté les pouvoirs publics qui ont pris un ensemble de mesures ayant mis fin à ce phénomène. Aujourd'hui nous avons certes encore des fraudes, mais qui s'effectuent de manière plus intelligente. Il s'agit de surfacturation qui est très difficile à déceler. Ce n'est plus la flagrance constatée de par le passé». Il a insisté sur le fait que les services des douanes «poursuit son investigation pour revenir sur les pistes des 3 dernières années et débusquer les auteurs de toutes les infractions commises». A la question de savoir s'il est nécessaire de réviser le mode de financement de l'économie par le crédit documentaire, l'intervenant a expliqué que «les constats de la douane ont révélé que toutes les opérations frauduleuses ont été effectuées par le mode du crédit documentaire. Il serait très intéressant de revoir ce système de financement car, c'est à l'ombre de ce mode de paiement, que ce sont développés des pratiques frauduleuses des transferts illicites». Revenant aux nouvelles techniques de fraude de certains opérateurs véreux, qui sont de plus en plus difficile à détecter, M. Medjbar explique que cela a amené l'administration des douanes à agir en amont des opérations d'importation, en renforçant les contrôles «et en instituant des systèmes de veille et d'alerte» des ports et aéroports. Ces contrôles, a-t-il souligné, portent, par exemple, sur le type de société ou «d'importateur» gravitant autour de ce «phénomène» avec notamment, le suivi des fluctuations des valeurs boursières sur les marchés étrangers concernant les marchandises susceptibles d'être ramenées en Algérie. Parmi les marchandises qui font le plus souvent objet de fraude de la part de certains agents économiques, M. Medjbar fait état de celles bénéficiant d'avantages fiscaux ou tarifaires, avec l'Union européenne ou la Zone arabe de libre échange et celles dont les droits et taxes sont minimes (machines agricoles et industrielles, médicaments, riz et lait, en particulier). A la question de savoir si l'importation des véhicules a été entachée d'opérations frauduleuses surtout qu'en 2014, la facture d'importation avait atteint les 10 milliards de dollars, le responsable douanier reconnait que «nous avons eu à enquêter sur le véhicule et nous avons constaté des anomalies qui ont été portées à la connaissance des responsables. Des mesures ont été prises dans ce sens pour justement mettre un terme à ces pratiques. La riposte a été organisée par les pouvoirs publics à un niveau multisectoriel comme je le disais. Il y a eu certaines mesures comme la mise en place des licences d'importations et le ministre du Commerce a annoncé, dernièrement, qu'il y aura d'autres produits qui seront soumis à une licence notamment les produits agricoles». Revenant sur le programme d'actions stratégique 2016/2019 de la Douane où certaines mesures structurantes ont permis de renforcer le contrôle, M. Medjbar explique que concrètement, les Douanes algériennes, au même titre que celles à travers le monde, essayent de mettre en place les bonnes pratiques et cela à travers la mise en œuvre de la Convention de Kyoto qui prévoit la mise en place d'un système gestion des risques. «Pour réussir un meilleur contrôle des risques, il a été estimé utile par la communauté internationale des douanes de travailler en amont pour ne pas entraver la fluidité des transactions commerciales. La gestion des risques prévoit de disposer d'informations concernant les transactions internationales à destination de notre pays avant le déparquement des marchandises. Nous allons mettre en place un système d'informations en 2017. Ce système qui sera plus intégré, plus global plus efficient, sera interopérable avec les institutions de l'Etat pour justement gérer en amont le flux d'informations qui vont parvenir avant le déparquement des marchandises. Ce qui va permettre la sélectivité et le profilage des risques avant la déclaration en douanes. La douane se donnera donc le temps d'analyser les opérations susceptibles d'être porteuses de risques de fraudes», explique M. Medjbar qui, en réponse à une question sur la complicité des douaniers dans la facilitation des opérations frauduleuses, affirme «à chaque fois qu'une implication est avérée et qu'une plainte est déposée, le douanier est révoqué. Pour 2015, une quarantaine de douaniers ont été révoqués pour diverses raisons. Quinze autres l'ont été durant l'année en cours». Il conclura son intervention à la Radio nationale en répondant à la question de savoir comment certains produits prohibés se retrouvent sur le marché comme les pétards : «C'est là l'éternel dilemme : comment faciliter le commerce licite et comment mieux contrôler. Il s'agit de faire un équilibre entre le contrôle efficace et les facilités des transactions. Nous avons initié un certains nombre d'actions dans ce sens et nous espérons y arriver.» H. Y.