Les infractions à la réglementation des changes semblent être le sport favori de certains importateurs algériens, selon le bilan du 1er semestre 2016 établi par les douanes algériennes. Durant cette période, les douanes ont constaté 224 affaires liées à des infractions à la législation des changes, donnant lieu à des pénalités de 19,512 milliards de dinars, selon le sous-directeur des recouvrements à la direction générale des douanes, M. Brahim Saada. Tous ces dossiers ont été transmis à la justice, a-t-il précisé hier lundi lors d'un point de presse centré sur le bilan du 1er semestre 2016. « La plupart de ces infractions portent sur des majorations de facturation et sur le non rapatriement des devises », a-t-il précisé. Pour l'année 2015, le bilan est édifiant sur la prédominance des infractions à la réglementation des changes. Les douanes ont transmis à la justice 550 dossiers liés aux infractions de change qui ont engendré un transfert illicite de devises équivalant à près de 14 milliards de DA, soit près de 140 millions d'euros, et donné lieu à des pénalités de 68 md de DA pour les opérateurs à l'origine de ces opérations frauduleuses. C'est le système du contrôle a posteriori mis en place par les douanes sur instructions du gouvernement pour contrôler le commerce extérieur et le mouvement des capitaux, qui a permis de détecter ces infractions. Cette procédure a permis d'entrer dans une jungle où évoluent des fraudeurs potentiels, qui ont réussi à ne pas rapatrier leurs devises après des opérations d'exportation ou d'importation. Le gros de ce système de transfert illicite de devises passe par les filières commerciales établies au Moyen-Orient dans le cadre de la zone arabe de libre-échange (ZALE). Selon une enquête des douanes algériennes, le système de ce trafic de transfert de devises, est simple : puisque les importations de produits finis ou semi-finis à partir de pays membres de la Zale obéissent à une législation douanière spéciale, comme les exemptions de taxes ou de réduction de taxes, les importateurs font gonfler, auprès de leurs fournisseurs, les factures d'achat. Un dispositif de lutte, le contrôle a posteriori, contre cette infraction sur le change a été mis en place, notamment après la découverte d'importateurs qui majorent la valeur des produits importés auprès de certains pays arabes. «La majoration de valeur consiste à gonfler la facture d'importation des marchandises, souvent avec la complicité du fournisseur, pour pouvoir transférer à l'étranger le différentiel entre le prix déclaré et le prix réel en devises de la marchandise importée », explique une source responsable à la DGD. Les accords de libre-échange détournés Cette combine de certains importateurs, qui auront ainsi réussi à transférer dans des banques étrangères de grosses sommes d'argent en devises, est souvent pratiquée dans les cas de régimes douaniers d'exemption de taxes, de démantèlement tarifaire ou de zones de libre-échange, car la suppression ou la réduction des taxes incite les fraudeurs à majorer, ou augmenter la valeur de leurs produits. En 2015, les infractions à la réglementation des changes avaient explosé à 134% par rapport à 2014, année durant laquelle le nombre d'opérations d'infraction au change recensées était de 389 affaires avec un montant de 38 md de dinars, ayant donné lieu à 155,1 millions de dinars d'amendes. M. Abdelmadjid Mahreche, inspecteur général à la direction générale des douanes, avait récemment indiqué qu'en 2015, en matière de contrôle des opérations commerciales à l'export, il y a eu 381 enquêtes sur des infractions de change d'un montant global de 150 milliards de dinars (md). « Nous avons eu cette année 381 procès-verbaux d'infractions des changes déposés sur des opérations de transferts triangulaires et on a fait appel à ce niveau à l'assistance mutuelle de pays avec lesquels on a des conventions », a-t-il précisé. Sur la base de ces affaires, plus de 100 importateurs ont été déférés devant la justice, a t-il indiqué, avant de préciser que le rôle de « la douane est d'établir un constat, puis les suites de l'enquête sont de la compétence d'une commission qui siège au ministère des Finances. Pour lutter contre ce genre d'infractions dans les opérations de commerce extérieur, a-t-il rappelé, les douanes algériennes avaient mis en place une direction spécialisée, la direction du contrôle a posteriori, chargée de mener des contrôles avec les directions régionales sur les opérations commerciales ». M. Mahreche précise qu' « il y a un traitement objectif de chaque importation » par cette direction qui « a atteint sa vitesse de croisière où elle constate des affaires en matière de transferts triangulaires de change illicites. Nous sommes en train de soutenir cette direction pour mener des enquêtes sur des marchandises transférées avec les pays avec lesquels nous avons des conventions ». « Nous tentons de contrôler le retour en Algérie de l'argent d'une opération d'exportation, on doit donc savoir quoi contrôler dans ces opérations de transferts illicites ou d'opérations d'infractions à la législation des changes », explique-t-il. Par ailleurs, le contrôle effectué a priori par les services douaniers, c'est-à-dire lors des opérations de dédouanement, a permis à la DGD de détecter près de 26.000 infractions en 2015, donnant lieu à 184 milliards de DA de pénalités. Sur l'ensemble des infractions enregistrées en 2015, plus de 19.000 ont été liées à la fraude commerciale, plus de 6.000 à la contrebande (en hausse de 17% par rapport à 2014) et le reste aux infractions de change.