D'un bout à l'autre de l'Occident, la foi dans la gouvernance internationale et la mondialisation économique décline. Comme l'a démontré la victoire de Donald Trump lors de l'élection présidentielle aux Etats-Unis, les électeurs, poussés par un sentiment d'injustice et d'inégalité, rejettent de plus en plus l'ouverture, ainsi que l'establishment politique qui l'a soutenue. Cependant, bien que les griefs qui alimentent ces choix soient réels - la mondialisation a laissé beaucoup de personnes sur le bord de la route - le traitement est susceptible de causer plus de mal que la maladie. D'un bout à l'autre de l'Occident, la foi dans la gouvernance internationale et la mondialisation économique décline. Comme l'a démontré la victoire de Donald Trump lors de l'élection présidentielle aux Etats-Unis, les électeurs, poussés par un sentiment d'injustice et d'inégalité, rejettent de plus en plus l'ouverture, ainsi que l'establishment politique qui l'a soutenue. Cependant, bien que les griefs qui alimentent ces choix soient réels - la mondialisation a laissé beaucoup de personnes sur le bord de la route - le traitement est susceptible de causer plus de mal que la maladie. Trump a gagné en promettant de rechercher des solutions unilatérales et de repli sur soi, un peu comme celles préconisées par les partisans de la sortie du Royaume-Uni de l'Union européenne. Les électeurs ont été galvanisés par la perspective de rejeter de nouveaux accords de libre-échange comme le Partenariat Trans-Pacifique (TPP) et de renégocier d'anciens accords comme l'Accord de libre-échange nord-américain (Alena). Ils manifestent contre les organismes multilatéraux comme l'Organisation mondiale du commerce (OMC) - le principal forum pour la négociation et la mise en œuvre des normes du commerce mondial et l'une des seules organisations internationales disposant d'une entité quasi judiciaire de règlement des différends. Tout cela ne tient pas compte d'un fait crucial : dans le monde d'aujourd'hui, se replier sur soi n'est pas une option viable, en particulier pour les démocraties libérales occidentales. Nous sommes tout simplement trop interconnectés, les problèmes, les défis et les opportunités auxquels nous sommes confrontés ne se soucient pas des frontières nationales. Les efforts visant à revenir à l'époque révolue des Etats-nations indépendants entraîneront donc des coûts énormes. En effet, le déclin de l'OMC, ainsi que la disparition d'accords comme le TPP et l'Alena, alimenteraient l'émergence de blocs commerciaux séparés, inaugurant une nouvelle ère de concurrence entre grandes puissances. Sans doute le plus important, une diminution du commerce mondial entraînerait une perte généralisée de bien-être. La bonne nouvelle est que tout le monde ne souffre pas de pareil manque de vision. L'Union européenne et le Canada ont signé l'Accord économique et commercial global (Aecg), fournissant une lueur d'espoir que des progrès peuvent encore être réalisés en matière de pactes de commerce et d'investissement qui améliorent la prospérité. Ce ne fut pas une négociation facile, et l'Aecg a dû faire face à la résistance de groupes craignant que davantage de commerce fasse leurs moyens de subsistance. Mais les pourparlers prolongés, qui comprenaient un processus d'approbation finale complexe, ont finalement abouti en octobre. L'Aecg est un développement positif non seulement parce qu'il relie deux économies développées qui mettent en avant des valeurs démocratiques et des systèmes de protection sociale forts, mais aussi parce qu'il introduit des standards élevés en matière de respect de l'environnement, du travail et de normes phytosanitaires pour le commerce. Il fournira également un coup de pouce économique substantiel, en ajoutant potentiellement environ 12 milliards d'euros (12,7 milliards de dollars) au PIB de l'UE, tout en favorisant une augmentation de près de 25% du commerce des biens et services pour les deux parties. Ceci est particulièrement important à un moment où la croissance du commerce est plus faible que celle du PIB, un renversement spectaculaire des tendances récentes. Un autre avantage de l'Aecg est l'amélioration du règlement des différends, grâce à la création d'un tribunal permanent dont les membres seront choisis par le Canada et l'UE ensemble, afin d'éviter les conflits d'intérêts. Pour assurer la transparence, les sentences arbitrales seront rendues publiques, et les parties auront le droit de faire appel. Les résultats de l'élection récente menacent non seulement le commerce, mais aussi l'environnement et le climat de la planète. Les Etats-Unis, qui sont responsables de 16% des émissions mondiales de gaz à effet de serre, sont un partenaire essentiel de tout effort visant à lutter contre le changement climatique - en particulier à cause de l'exemple qu'il donne aux autres pays à fortes émissions. Pourtant, Trump a promis à plusieurs reprises au cours de sa campagne «d'annuler» l'accord mondial sur le climat historique conclu à Paris en décembre dernier. Si Trump respecte cette promesse, les conséquences pourraient être désastreuses. Le signe encourageant dans ce domaine est que, à la conférence sur le climat de cette année à Marrakech, au Maroc, le reste des signataires de l'accord de Paris ont clairement exprimé leur détermination à mettre en œuvre les engagements auxquels ils se sont soumis. Il y a encore une nouvelle plus prometteuse : le mois dernier, des représentants de gouvernements, de l'industrie et de la société civile ont conclu un accord pour limiter les émissions de CO2 par l'industrie de l'aviation civile - le premier accord visant à réduire les émissions de CO2 dans un secteur mondial. Etant donné que, dans un scénario de forte demande, l'industrie émettrait en 20150 presque autant de CO2 que ce que la Russie et l'Inde réunies émettent aujourd'hui, ceci est un développement extrêmement important. Encore une fois, l'UE se distingue par sa position avant-gardiste, en jouant un rôle central - au côté de ses Etats membres - dans la négociation de l'accord, qui obligera les compagnies aériennes à compenser la croissance de leurs émissions de CO2 à partir de 2020 en achetant des «unités d'émission» générées par des projets de réduction des émissions dans d'autres secteurs, comme les énergies renouvelables. Au milieu des années 2000, l'Union européenne - qui avait déjà mis en place son propre système d'échange de carbone (Sceqe) - a reconnu que, malgré les engagements pris dans le Protocole de Kyoto, le monde n'avait pas réussi à réduire les émissions de l'industrie. Elle a commencé à travailler sur une solution en 2008. En 2012, elle avait convaincu l'Organisation de l'aviation civile internationale à s'engager pour parvenir à un accord global pour la fin 2016. La réalisation de cet engagement constitue une avancée majeure pour la coopération climatique. Le monde a dépassé l'époque de la fermeture des frontières et des solutions unilatérales. Nous sommes déjà mondialisés, maintenant nous avons besoin de règles mondiales pour soutenir la stabilité économique et financière, ainsi que la paix et la sécurité. L'UE, en dépit de ses nombreux défis, a non seulement prouvé sa valeur en tant que pierre angulaire de l'ordre international, elle a également fait valoir sa valeur plus large de vision et de leadership mondiaux, obtenus par la diplomatie et un multilatéralisme intelligent. Maintenant plus que jamais, il s'agit d'une leçon que nous ne pouvons pas nous permettre d'ignorer. J.S. (Traduit de l'anglais par Timothée Demont) *Président du Centre Esade pour l'économie mondiale et la géopolitique, membre distingué de la Brookings Institution et membre du Conseil de l'Agenda global pour l'Europe du Forum économique mondial. Ancien Haut représentant de l'Union européenne pour la politique étrangère et la sécurité, secrétaire général de l'Otan et ministre des Affaires étrangères d'Espagne. In project-syndicate.org