Le Général d'Armée Chanegriha se rend à l'exposition des hydrocarbures et du gaz et à la 15e Brigade blindée au Koweït    AMASA 2024 : nécessité de repenser la coopération scientifique entre les pays africains    Le ministère des Affaires religieuses appelle à l'accomplissement de Salat El Istisqa samedi prochain    Attaf participe au Portugal à la 10e réunion ministérielle du Forum de l'UNAOC    Décès du journaliste Mohamed Bouzina : la Direction générale de la communication à la Présidence de la République présente ses condoléances    50e anniversaire de la création de l'UNPA : allocution du président de la République    Une entreprise algérienne innove avec un bracelet électronique pour accompagner les pèlerins    CAN-2024 féminine: la sélection algérienne débute son stage à Sidi Moussa    «L'entrée en vigueur de la nouvelle Constitution a consolidé l'indépendance du pouvoir judiciaire»    Equitation: le concours national "trophée fédéral" de saut d'obstacles du 28 au 30 novembre à Tipaza    Cosob: début des souscriptions le 1er décembre prochain pour la première startup de la Bourse d'Alger    Le président de la République préside la cérémonie de célébration du 50eme anniversaire de l'UNPA    Ghaza: le bilan de l'agression sioniste s'alourdit à 44.249 martyrs et 104.746 blessés    Agression sioniste contre Ghaza: "Il est grand temps d'instaurer un cessez-le-feu immédiat"    Accidents de la route: 34 morts et 1384 blessés en une semaine    Prix Cheikh Abdelkrim Dali: Ouverture de la 4e édition en hommage à l'artiste Noureddine Saoudi    Dominique de Villepin a mis en PLS Elisabeth Borne    Energies renouvelables et qualité de la vie    La promotion des droits de la femme rurale au cœur d'une journée d'étude    «Les enfants fêtent les loisirs»    L'équipe nationale remporte la médaille d'or    L'Algérie décroche 23 médailles aux Championnats arabes    Se prendre en charge    Hackathon Innovpost d'Algérie Poste Date limite des inscriptions hier    Génocide à Gaza : Borrell appelle les Etats membres de l'UE à appliquer la décision de la CPI à l'encontre de responsables sionistes    Saisie de 370 comprimés de psychotropes, trois arrestations    Opération de distribution des repas chauds, de vêtements et de couvertures    Le wali appelle à rattraper les retards    Les besoins humanitaires s'aggravent    Irrésistible tentation de la «carotte-hameçon» fixée au bout de la langue perche de la francophonie (VI)    Tébessa célèbre le court métrage lors de la 3e édition des Journées cinématographiques    Eterna Cadencia à Buenos Aires, refuge littéraire d'exception    La caravane nationale de la Mémoire fait escale à Khenchela    La transition numérique dans le secteur de l'enseignement supérieur au centre d'un colloque le 27 novembre à l'Université d'Alger 3    Concert musical en hommage à Warda el Djazaïria à l'Opéra d'Alger    Tebboune ordonne aux membres du Gouvernement de préparer des plans d'action sectoriels    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Les mots de Nejm ont toujours des yeux !
Publié dans La Tribune le 08 - 12 - 2016

«Quand le soleil se noie dans une mer de brume ; Quand une vague de nuit déferle sur le monde ; Quand la vue s'est éteinte dans les yeux et les cœurs ; Quand ton chemin se perd comme dans un labyrinthe ; Toi qui erres et qui cherches et qui comprends, tu n'as plus d'autre guide que les yeux des mots». 3 Décembre 2013. Difficile en ce jour de ne pas se souvenir de l'auteur de ces vers qui voit justement à travers les «yeux des mots». Lui, c'est Ahmed Fouad Nejm, la voix révolutionnaire, le poète des pauvres. Mort en ce jour au Caire, tourbière généreuse et terreau fertile de son génie poétique. Lui, le poète engagé qui a passé dix-huit années de sa vie de barde engagé dans les geôles des présidents Nasser et Sadate. Les prisons, c'est finalement tout un poème. Et ils sont nombreux les amants des muses à avoir payé d'un emprisonnement leur crime de lèse-dictateur ou pour toute autre raison. On pourrait évoquer Verlaine, mais c'est parce qu'il avait tiré sur Rimbaud. On pourrait parler de Genet, mais c'est parce qu'il avait volé beaucoup trop de livres. On pourrait penser aussi à Apollinaire, mais c'est parce qu'on le pensait complice du vol de la Joconde. On pourrait également citer Abou Firas El-Hamdani, mais c'est parce qu'il avait été incarcéré par les Byzantins. Ou encore Nazim Hikmet et Nadhem El Ghazali maintes fois mis au trou pour leurs convictions communistes. Les poètes et la prison, c'est finalement une vieille histoire. Une sorte de mythe romantique. Mais aujourd'hui la vérité est plus crue et plus cruelle : on embastille les poètes beaucoup plus pour leurs opinions politiques, partout dans le monde. Mais pour la pour la première fois dans l'histoire de l'Egypte et du monde arabe, peut-être même ailleurs, un poète avait comparu devant une juridiction militaire sous l'inculpation d'«exercice de la poésie». Et c'est Ahmed Fouad Nejm lui-même qui a raconté qu'il était courant d'être jeté en prison pour une période indéterminée, sans jamais être traduit en justice. «A l'époque, ils avaient un peu de pudeur car il leur était difficile de reconnaître qu'ils condamnaient un poète pour de la poésie ; mais maintenant, comme l'a écrit un journal, ‘''on a saisi de la poésie chez le poète'', comme si c'était de l'opium ou du haschisch». Comme d'autres poètes, Nejm a été tant et tant de fois emprisonné parce qu'il avait toujours raison et parce que sa poésie était hautement subversive. Lui, le jeteur des mots qui font mal comme des pierres avait trouvé dans le verbe séditieux une règle de déconstruction. Un moyen de démystification des régimes et des élites arabes. A quatre-vingts ans, les mots étaient toujours de feu. Ils étaient encore beaux et justes comme une révolution inachevée. En 2009, son retour en Algérie, sa terre d'amour, celle des amitiés complices, fut l'occasion de le prouver encore une fois. Rouleur de mots comme une Algérienne aurait roulé des grains de couscous, son langage avait conservé la succulence des fins mets. Sa gastronomie poétique sentait toujours bon et sa sémantique rebelle sonnait encore juste. Dent dure et acérée, le lion du Nil n'avait rien perdu alors de son appétence pour les mots. Les mots, encore et encore, surtout les «yeux des mots» pour fustiger la corruption des régimes autoritaires arabes. Les sempiternels mots pour souligner les maux arabes et stigmatiser la compromission des élites. Et, de quelques autres mots, flétrir ces judas perpétuels que sont les clercs de pouvoir. Cette avant-garde intellectuelle arabe qui «est toujours dans un dialogue permanent avec des régimes qui occultent la voix des masses». Péché véniel de proximité. Alors, pour expier la faute d'accommodement avec les pouvoirs en place, elle doit effectuer le saut de la rédemption. S'immoler pour se purifier. Un seul geste donc, «se jeter dans une fosse profonde, s'asperger de pétrole et s'y mettre le feu». Pessimiste le poète ? Non, extralucide ! A ses yeux, qui voient encore aussi loin que portent ses mots, «il n'y a pas d'opposition politique et les islamistes sont devenus de sacrés opportunistes». De tous les islamistes, seul le Turc Tayyip Recep Erdogan avait quelque grâce aux yeux du trouvère qui y voyait «le meilleur des fondamentalistes». Mais ça, c'était presque dans une autre vie, c'était avant que l'islamiste des bords du Bosphore ne vire au dictateur schizophrénique et paranoïaque. Quant à Hosni Moubarak, alors président passager d'une Egypte éternelle, il était «le président de la plus mauvaise période dans la vie du peuple égyptien qui s'entretue pour une miche de pain alors que son gaz naturel est vendu à vil prix à Israël.» Quelques mots et voilà le vieux maréchal d'aviation habillé pour l'hiver ! S'il a ainsi éreinté le successeur de Sadate, il a tressé en revanche de jolis lauriers à l'homme de la Révolution de juillet 1952. D'avoir goûté au mitard nassérien, ne l'avait pas empêché pour autant d'estimer que le «jour le plus noir de sa vie fut celui de son décès». Sans rancune aucune, il a raconté que sa propre mère, venue lui le voir en prison, le jour même de la mort du raïs des raïs, lui avait dit : «Le pilier de la tente s'est effondré.» Et le nationalisme arabe avec lui. Restait donc l'Algérie. Pour notre pays, Ahmed Fouad Nejm avait eu par le passé les yeux de Chimène. Et en 2009 la reconnaissance du cœur exprimée. Le poète, et on le comprend bien, y avait comme grâce divine une égérie, fée des écrans et du proscénium. Il avait aussi des amis tels l'immense Kateb Yacine et le patriarche Tahar Benaïcha. Pour le rhapsode, l'Algérie était forcément une femme qu'on aime et une muse bienveillante. Et il en parlait avec les yeux et les mots de l'amour : «L'Algérie est un bout de chair de mon cœur. La revoir, vingt-cinq ans après, c'est comme si je renaissais ou que je la revoyais après un séjour en prison. J'y reviens en sachant y retrouver le sein chaleureux que j'ai tant aimé». Avec les mots de la gratitude, Nejm, dont l'ondine était une étoile au firmament de la poésie, avait proposé alors de faire d'Alger le lieu d'accueil symbolique de la manifestation «Al Qods, capitale de la culture arabe en 2009». Avec Nejm, on avait saisi par ailleurs que le pessimisme procède de l'intelligence des cœurs. Il lui permettait en tout cas de considérer que «les pétrodollars sont la cause première de l'étiolement de la culture et de l'art arabe». Mais bien avant sa mort, sa poésie était restée sans voix depuis la disparition de son double musical, cheikh Imam Aïssa. Le duo est certes mort, de même que l'aède et le troubadour, mais les mots de Nejm ont toujours des «yeux».
N. K.

Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.