Le poète disparu a une histoire très particulière avec l'Algérie. « Le premier pays que j'avais visité en quittant l'Egypte, c'était l'Algérie », avait-il confié récemment à la télévision algérienne. En coulisses, il avait déclaré que sa relation avec l'Algérie et son peuple demeure particulière et profonde. Il avait affirmé que la chanson engagée reste la chanson éternelle de la vie. Et au cours de l'une de ses visites, Fouad Negm avait demandé à rencontrer Kateb Yacine. « Malgré l'obstacle de la langue, les deux hommes ont passé une nuit entière à échanger des idées. Un débat fraternel », témoigne l'écrivain Amine Zaoui. Ces jours ci, ils sont nombreux sur les réseaux sociaux à exprimer leur chagrin après la disparition du poète Ahmed Fouad Negm. Ils sont des milliers à lui rendre hommage. Jeunes étudiants, écrivains comme Djamel Mati, Asia Djabar, Yasmina Khadra, poètes, plasticiens, cinéastes, bédéistes, caricaturistes, chanteurs qui témoignent : « Il part en laissant derrière lui une Egypte fiévreuse, révolutionnaire comme il l'a toujours souhaité, comme il en a toujours rêvé. » Ils saluent l'artiste « exceptionnel, à la carrière pleine, marquée par son engagement pour la culture ». Très affectée par la disparition du poète, la célèbre comédienne Sonia a rappelé l'humanisme du défunt ainsi que ses « grandes compétences » en tant qu'artiste engagé. Ahmed Fouad Negm était né en 1929 dans le nord de l'Egypte. A l'image de nombreux artistes contestataires, le poète a passé 18 années de sa vie derrière les barreaux. A sa sortie de prison, il est accueilli par l'Algérie où il deviendra le compagnon de route du chanteur révolutionnaire Cheikh Imam durant les années 70 et 80, avant la disparition de ce dernier en juin 1995. Ses poèmes à la plume engagée, sont connus à travers le monde arabe. Tous les chefs d'Etat égyptiens, notamment depuis la guerre israélo-arabe de 1967, ont été une source d'inspiration pour le grand poète qu'était Ahmed Fouad Negm. Durant la révolte de 2011 qui a mené Moubarak à la démission, les manifestants ont, pendant plusieurs jours, scandé les poèmes de cet artiste sur l'emblématique place Tahrir du Caire. On se rappellera toujours de sa poésie composée dans les années 1970, et qui n'a été mise en musique par Cheikh Imam qu'en 1973. Ainsi, il servait d'ouverture à tous les concerts de Cheikh Imam. On rappellera cette poésie : Quand une vague de nuit déferle sur le monde, Quand la vue s'est éteinte dans les yeux et les cœurs, Quand ton chemin se perd comme dans un labyrinthe, Toi qui erres et qui cherches et qui comprends, Tu n'as plus d'autre guide que les yeux des mots. »