«Les relations avec le Maroc sont anormales (…), même si les relations entre les deux peuples sont exemplaires.» Juste et lucide constat du ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale, le sagace et sage Ramtane Lamamra. Au cœur de cette «anormalité», deux pommes de discorde, le Sahara occidental et la frontière terrestre hermétiquement fermée. Sur le Sahara occidental, n'en déplaise toujours au voisin marocain, la position de l'Algérie est en parfaite harmonie avec la légitimité internationale, comme l'a réaffirmé notre ministre. La récente décision de la cour de justice de l'Union européenne, qui rappelle que le Sahara occidental ne fait pas partie du Maroc, vient confirmer la position de l'ONU, celle de l'Union africaine et la position de principe de l'Algérie. Juste constatation du même Lamamra qui n'oublie pas de citer les problèmes liés à la frontière terrestre. Et d'inviter le Maroc à en débattre avec l'Algérie qui est prête à le faire «dans les cadres prévus pour cela (…), mais indépendamment de la question du Sahara occidental qui est de la responsabilité de l'ONU». Une invitation qui réitère celle du Premier ministre Abdelmalek Sellal, dans le même esprit, en novembre dernier. Le défi lancé aux autorités marocaines consiste donc à dissocier la question du Sahara occidental qui «est de la responsabilité de l'ONU». Comme ont pu le faire, un certain temps, le président Chadli Benjedid et le roi Hassan II qui ont pu nouer ainsi le dialogue entre les deux pays. Restent alors les 1 559 km de frontière qui constituent la plus longue frontière terrestre fermée au monde. Il ne s'agit certes pas d'une situation de forte intensité conflictuelle, comme entre les deux Corées par exemple. Mais cette frontière a fini par être érigée en véritable barrière, tout en revêtant une dimension de plus en plus militarisée. Avec des enjeux politiques, économiques, territoriaux ou migratoires. Et un gigantesque paradoxe : le fait que les ressortissants des deux Etats peuvent circuler par d'autres moyens d'un pays à l'autre tandis que localement, la séparation terrestre se renforce progressivement depuis la fermeture de la frontière en 1994. Quoique bien fermée, cette ligne de démarcation n'est pas si étanche que ça ! Elle reste néanmoins ouverte aux échanges transfrontaliers irréguliers. La limitation de circulation et les événements politiques entre les deux pays n'ont pas abouti en effet à l'asséchement économique des échanges de part et d'autre, favorisés il est vrai par une certaine forme de mobilité pendulaire. L'axe est également emprunté par des migrants issus de l'Afrique subsaharienne. Pour sa part, le Maroc pratique ce que les spécialistes appellent une «teichopolitique», c'est-à-dire une politique de cloisonnement de l'espace. Raisons officielles invoquées : la lutte contre l'immigration clandestine, la contrebande et la protection face au terrorisme. Arguments injustifiés, estiment les Algériens qui répondent par le creusement de tranchées à la construction de barrières murales par le Maroc. Les conséquences géopolitiques et économiques de la fermeture de la frontière sont assez évidentes pour être rappelées ici même. Mais alors quel avenir pour cette frontière close ? De manière générale, son ouverture est plus un souhait ardent marocain qu'algérien. Le gouvernement chérifien déclare vouloir ouvrir la frontière, tout en construisant des murs le long de la frontière et prétend fallacieusement se heurter au refus des autorités algériennes. Ces dernières sont pourtant catégoriques : elles n'ouvriront pas la frontière tant que les points en litige ne seront pas éclaircis à la faveur d'un dialogue serein et déconnecté du problème du Sahara occidental. Une évidence rappelée depuis novembre dernier par Sellal et Lamamra. Et d'où cette pertinente formule de ce dernier : «Les relations avec le Maroc sont anormales (…), même si les relations entre les deux peuples sont exemplaires.» N. K.