Un protocole d'accord dans le domaine de la prévention et de lutte contre la corruption a été signé jeudi dernier, à Alger, entre le ministère des Finances et l'Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (Onplc). Le document fixant les conditions de coopération entre les deux institutions a été signé par le secrétaire général du ministère des Finances, Miloud Boutaba, et son homologue de l'Onplc, Mustapha Chabane, en présence du président de cette instance nationale, Mohamed Sebaïbi. Ce protocole d'accord s'inscrit dans le cadre de la loi du 20 février 2006 relative à la prévention et la lutte contre la corruption qui charge l'organe de renforcer la coordination intersectorielle et d'assurer le suivi des activités et actions engagées sur le terrain. Il détermine les mesures et les mécanismes qui accompagnent les demandes réciproques formulées aussi bien par les structures du ministère des Finances que par l'organe national portant sur des actions de sensibilisation et de formation des agents publics, sur des actions relatives aux déclarations de patrimoine et aux conflits d'intérêt ainsi que sur la cartographie des risques. La coopération porte aussi sur des actions coordonnées pour engager en commun la réflexion sur l'étude et l'adoption des thèmes en rapport avec la corruption et l'échange d'informations et d'expertise. Dans son intervention, le président de l'Onplc, Mohamed Sebaïbi, a indiqué que ce protocole d'accord de coopération vise à mettre en relief «les actions découlant de la convention des Nations unies contre la corruption et de la loi du 26 août 2010 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption et les textes subséquents y afférents». Ce cadre prévoit également la mise en place d'une cellule présidée par les secrétaires généraux du ministère des Finances et de l'Onplc dont les missions sont le suivi, la mise en œuvre et l'évaluation des résultats et propose toutes les mesures de nature à en améliorer l'efficience, a-t-il ajouté. Rappelons qu'il y a quelques jours seulement, le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, avait affirmé, à l'ouverture de la réunion tripartite à Annaba, que «5 498 affaires ont été traitées par les tribunaux, 3 058 relatives à l'évasion fiscale, 144 à l'infraction douanière et 2 299 affaires relatives aux mouvements illicites des capitaux». «C'est un combat sans relâche que mènent au quotidien et avec détermination les institutions concernées car en plus d'être une pratique illégale et immorale, la corruption sape le moral des citoyens et érode la confiance au sein de la société», a soutenu le Premier ministre non sans ajouter que «la confiance est un bien des plus précieux». Cette «performance» et ces «excellents résultats», selon M. Sellal, ne sont pas non plus le fruit du hasard mais de la réforme de plusieurs textes législatifs (Douanes, investissements, pratiques commerciales, procédures et code pénal). Concernant justement le transfert illicite des capitaux, le montant des infractions de change mises au jour par les Douanes algériennes en 2016 s'est chiffré à l'équivalent de 9,97 milliards de dinars (plus de 90 millions de dollars). En 2015, ce type d'infraction s'était chiffré à 21,85 milliards de dinars (près de 210 millions de dollars). Il faut le dire, les capitaux transférés vers l'étranger sont l'équivalent de plusieurs points de croissance perdus pour l'économie dans la mesure où ces fonds sont des prélèvements sur les réserves de change qui alimentent ces opérations de transferts. Ce sont aussi des fonds en devises qui auraient dû être versés à la Banque centrale et sont détournés vers le marché parallèle, permettant ainsi la fuite de capitaux. Selon un économiste, il y aurait entre 1,8 et 2 milliards de dollars de transferts illicites de fonds vers l'étranger annuellement, soit l'équivalent de 1% du produit intérieur brut (PIB). Ces chiffres traduisent une partie de l'ampleur des dégâts que fait subir le phénomène à l'économie. Les sources principales de cette hémorragie sont la corruption à travers les pots-de- vin versés dans le cadre de l'obtention des marchés, la surfacturation des importations et le marché parallèle des devises. Cette situation implique l'urgence du contrôle efficace et la mise en application réelle de la législation contre la corruption adoptée par l'Algérie. Une législation des plus complètes dans le domaine. En effet, la poursuite des citoyens pour motif de corruption figure dans le système judiciaire algérien depuis le premier code pénal promulgué en 1966. L'Algérie s'est dotée ensuite d'une Inspection générale des finances (IGF), de la Cour des comptes, d'un Observatoire de lutte contre la corruption sans oublier les pactes et conventions onusiens et africains de lutte contre la corruption que l'Algérie a ratifiés. L'Algérie a adhéré à la Convention des Nations unies contre la corruption (Cnucc), ratifiée par décret présidentiel n°04-128 du 19 avril 2004 et à la Convention de l'Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption, ratifiée par décret présidentiel n°06-137 du 10 avril 2006. Elle a adopté une loi relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme et une autre loi relative à la prévention et à la lutte contre la corruption. Un instrument renforcé par une ordonnance relative aux incompatibilités et obligations particulières rattachées à certains emplois et fonctions. L'Algérie s'est intéressée également aux signes extérieurs de richesse et a promulgué le décret présidentiel fixant le modèle de la déclaration de patrimoine. La Banque d'Algérie n'est pas en reste puisque elle a adopté un règlement relatif à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Concernant les organes chargés de la prévention et de la lutte contre la corruption, le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, ils sont au nombre de trois : l'Organe national de prévention et de lutte contre la corruption (Onplc), l'Office central de répression de la corruption (Ocrc) et la Cellule de traitement du renseignement financier (Ctrf). Malgré toutes ces lois et ces organes, l'Algérie a régressé de 20 places dans l'Indice de perception de la corruption dans le secteur public (IPC) 2016 publié par Transparency International. Le pays arrive à la peu reluisante 108e place sur 176 pays notés, reculant ainsi de 20 places par rapport au classement de 2015. Elle est à la 19e place en Afrique et à la 10e dans la région Maghreb et Moyen-Orient (Mena). Pourtant la volonté politique d'éradiquer ce phénomène est à chaque occasion affichée. Pour rappel, au lendemain de sa réélection pour un quatrième mandat en 2014, le chef de l'Etat avait affirmé, dans un discours prononcé à l'occasion de son investiture, que d'autres «chantiers» seront ouverts, notamment, avait-il précisé, pour améliorer la qualité de la gouvernance, faire reculer la bureaucratie et promouvoir une décentralisation appuyée sur une démocratie participative qui associera mieux la société civile à la gestion locale. «Il en sera ainsi en ce qui concerne la lutte contre les crimes économiques, à leur tête le fléau de la corruption», avait affirmé le Président Bouteflika. Au cours du premier Conseil des ministres, présidé le mois de mai 2014 après sa réélection, le Président Bouteflika avait réitéré son «engagement» à mettre en œuvre le programme électoral sur la base duquel il a été réélu, soulignant entre autres «l'urgence de préserver les deniers publics de tout gaspillage, de lutter contre la corruption et toute forme d'atteinte à l'économie nationale». En 2012, et à l'occasion du Conseil des ministres ayant examiné et approuvé un projet d'ordonnance modifiant et complétant la loi n°05-01 du 6 février 2005 relative à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, le président de la République avait instruit les juges à appliquer la loi dans toute sa rigueur dans la lutte contre la corruption et contre toutes les autres formes de crimes et délits financiers. «Si l'engagement de l'Algérie contre le terrorisme est une réalité, il doit en être de même pour la prévention du blanchiment d'argent, dans le cadre de la lutte contre la corruption et le crime organisé», avait alors affirmé le chef de l'Etat. En somme, la lutte contre la corruption figure parmi les priorités fixées par le chef de l'Etat d'où l'institution, à la faveur de la révision constitutionnelle, d'un Organe national de prévention et de lutte contre la corruption. H. Y.