Cette fois-ci, c'est la police nationale qui s'alarme sérieusement de l'ampleur de la contrefaçon des produits made in Algeria. Mettant à profit un séminaire sur le sujet à Alger, la Dgsn a en effet lancé la semaine dernière une sévère mise en garde contre la «prolifération de la contrefaçon dans certaines industries locales». De nombreux articles, notamment des produits alimentaires et des cosmétiques sont contrefaits. Tels les cafés, les pâtes alimentaires, la margarine, le miel, les shampoings et les parfums. Le risque réel et majeur pour la santé publique est confirmé par les analyses des échantillons des produits incriminés. Ces examens ont révélé la présence de germes pathogènes ou de germes de contamination en quantités intolérables, des taux élevés de minéraux et de métaux lourds et même parfois des produits hautement toxiques et cancérigènes. Même dans le domaine de l'électricité et du gaz, des cas de contrefaçon sont signalés ! Nombre de matériels propres aux réseaux de distribution de gaz et d'électricité sont contrefaits. Le phénomène est tel que 73 affaires liées à la propriété industrielle, avec la présentation de 92 contrefacteurs au parquet, ont été enrôlées en 2016, contre 65 affaires en 2015. Et ce sont par ailleurs les Douanes qui soulignent également qu'une «partie non négligeable des produits vendus en Algérie - sur des marchés officiels ou des marchés informels - seraient contrefaisants, représentant un danger pour la santé et la sécurité des consommateurs». Phénomène mondial, la contrefaçon a toutefois un visage particulier en Algérie et a cette caractéristique de toucher indistinctement les produits importés et ceux de fabrication locale. Des contrefacteurs algériens importent des produits contrefaits à l'étranger, principalement en Chine. D'autres margoulins copient des produits fabriqués en Algérie même. La contrefaçon n'est donc pas une exception en Algérie comme elle l'est généralement à l'étranger, même si elle y est répandue. Chez nous, elle est devenue un phénomène d'autant plus étendu qu'il constitue un modèle de consommation spécifique. Un phénomène culturel même qui imprègne en profondeur l'économie et la société. L'absence de normes industrielles, le manque de laboratoires de contrôle et l'inexistence d'un cadre juridique réellement contraignant rendent très difficile la lutte contre les produits contrefaits. Les chiffres de la lutte contre la contrefaçon, qui reste marginale par rapport à l'étendue du problème, révèlent cependant toute l'ampleur du mal. Plus de 586 000 produits contrefaits saisis en 2014, contre plus de 378 000 en 2013 et plus de 786 000 en 2012. Les produits cosmétiques représentent la majorité (60%), viennent ensuite les articles de sport (16%), les produits alimentaires (11%), les pièces détachées (6%), les appareils électroménagers (5%) et enfin les produits électriques (2%). Les entreprises se voient ainsi spoliées du bénéfice de leurs efforts d'investissement, de recherche, de création, de publicité et de développement commercial. La contrefaçon est également une source d'évasion fiscale. Certes les Douanes disposent depuis le 15 juillet 2002 d'un cadre réglementaire pour lutter contre la contrefaçon, mais cet arsenal est peu efficace car peu coercitif. La louable activité de veille, d'alerte et d'intervention des Douanes, qui s'ajoute aux contributions de la police, la gendarmerie et la Justice, ne suffirait pas, à ce stade, à juguler sérieusement le phénomène. Il faudrait par conséquent une nouvelle loi qui déterminera de manière plus rigoureuse le champ de la contrefaçon, les produits imités, les acteurs et comment la combattre. Un texte fort qui définira les niveaux d'intervention des secteurs du commerce, de l'industrie, des Douanes et des laboratoires d'analyses et de contrôle dont la mise en place devrait constituer une priorité nationale urgente. N. K.