Les premières greffes à partir de cellules reprogrammées en cellules de la rétine ont eu lieu au Japon ces trois dernières années. Elles ouvrent la voie à la création d'une banque de cellules souches C'est une première mondiale. Des cellules de rétine obtenues à partir de cellules souches issues d'un donneur ont été transplantées dans la rétine d'un patient atteint de dégénérescence maculaire liée à l'âge (DMLA). Cette opération s'est déroulée mardi 28 mars à Tokyo au Centre de biologie du développement de l'institut Riken (Japon) et a été pilotée par l'ophtalmologiste Masayo Takahashi. Il ne s'agit encore que d'un essai clinique de phase 1: cette opération ne visait pas à guérir ce patient déjà trop atteint pour espérer retrouver la vue, mais plutôt à prouver que cette technique ne présente pas un danger immédiat pour la santé. Cellules «remises à zéro» «La prochaine étape de ces essais cliniques sera probablement de transplanter des cellules d'EPR chez des personnes qui n'ont pas encore perdu leurs photorécepteurs, pour voir si cela permet de sauvegarder ces neurones photosensibles et ainsi se traduire par une amélioration significative de la vision», explique Olivier Goureau, directeur de recherche à l'Institut de la Vision axé sur le développement de la rétine et les stratégies de thérapie cellulaire. Des cellules matures de peau ont été retirées à un donneur anonyme puis «remises à zéro» pour revenir à leur état embryonnaire, devenant ainsi des cellules souches pluripotentes (c'est-à-dire capable d'évoluer en plusieurs types de cellules). Elles ont été ensuite à nouveau différenciées pour, dans ce cas précis, devenir des cellules de l'épithélium pigmentaire rétinien (EPR), qui ont été implantées sous la rétine du patient. L'homme de 60 ans est ainsi la première personne au monde à recevoir une greffe de cellules de rétines issues de cellules souches pluripotentes induites (cellules iPS). Tous les autres essais jusqu'à maintenant avaient été réalisés avec des cellules souches embryonnaires humaines, qui ne s'étaient pas encore différenciées. Une première opération trois ans auparavant Une opération presque similaire avait été menée avec succès, il y a trois ans, dans les mêmes locaux, avec une patiente âgée de 77 ans et également atteinte de DMLA à un stade très avancé. Mais lors de cette opération, ce sont des cellules de rétine obtenues à partir de ses propres cellules, et non de celles d'un donneur, qui avaient été implantées. L'équipe japonaise a publié les résultats de cette approche «autologue» mi-mars dans la revue The New England Journal of Medicine. Les chercheurs japonais ont ainsi implanté sous la rétine de la patiente un feuillet de cellules d'épithélium pigmentaires rétinien (EPR) différenciées. Cet épithélium - qui fait face aux photorécepteurs à l'intérieur du globe oculaire - est indispensable au bon fonctionnement de la rétine, notamment via l'absorption du surplus de lumière qui arrive à l'œil, mais également via l'évacuation des «déchets» présents dans la rétine. Le dysfonctionnement et la dégénérescence progressive de cet épithélium de la rétine, correspondent au début de la DMLA, une maladie incurable et qui fait perdre la vision centrale. Le succès de la chirurgie «autologue» Une année après la chirurgie, l'acuité visuelle de l'œil traité chez la patiente de 77 ans ne s'était pas améliorée. C'était attendu car d'autres zones de la rétine étaient déjà atteintes par la maladie, notamment les photorécepteurs chargés de transformer la lumière en signal électrique. Mais sa pathologie ne s'était pas non plus aggravée, ce qui constitue le succès de cette opération. Les chercheurs notent qu'elle s'est tout de même dite «satisfaite d'une vision «plus brillante», probablement due à l'ablation lors de l'opération de la membrane nécrosée. «L'avantage évident de cette technique est qu'il n'y a pas de rejet de greffe, dans la mesure où nous sommes dans un processus autologue, autrement dit, une autogreffe», explique Olivier Goureau. «Mais l'inconvénient c'est que cette médecine hyper-personnalisée coûte plusieurs millions par patient.» La compatibilité donneur-receveur L'opération de la semaine dernière, avec les cellules d'un donneur, est donc une nouvelle avancée dans la recherche sur les cellules souches avec la possibilité de greffer des cellules issues de donneurs. Le but serait désormais pour l'équipe japonaise de créer une banque de cellules iPS pour traiter les différentes maladies (dont la DMLA). Une telle banque permettrait de disposer d'un «stock» de cellules souches accessible dès qu'un patient en aura besoin. Une telle banque est imaginable au Japon car la population y est assez peu variée génétiquement: cinq à dix donneurs permettraient de traiter 30 à 50% de la population japonaise. L'équipe espère y parvenir d'ici à 2018. A. F. In lefigaro.fr