Une imposante marche populaire a été organisée, dimanche soir dernier, dans Rabat, capitale marocaine, en soutien au Hirak le mouvement populaire d'Al Hoceima dans le Rif marocain, rapportent les médias marocains. Ils étaient des dizaines de milliers, selon la police, des centaines de milliers, voire un million, selon d'autres sources, marocains à investir les rues dans une grande marche en soutien aux manifestations «contre la corruption et les abus de l'administration» qui ont lieu depuis plusieurs semaines à Al Hoceïma, dans le Rif. «Une seule nation, un seul peuple contre la hogra (injustice, ndlr)», peut-on lire sur une banderole partagée à large échelle, significative à plus d'un titre, aux côtés de plusieurs autres slogans, notamment ceux appelant à la «libération des détenus politiques et d'opinion» ou encore le mot d'ordre triptyque « liberté, dignité, justice sociale», jusque-là fédérateur d'une région aux traditions de luttes et vieilles blessures. Cette marche à la mobilisation sans faille est «incontestablement la première depuis 2011», affirment unanimement les militants marocains, auxquels se sont joints toutes les franges de la société. Partis de différentes sensibilités, associations et organisations de la société civile, intellectuels, artistes et journalistes ont tous dénoncé la «Hogra» (l'injustice), réclamé la libération des détenus du Hirak du Rif et crié leur ras-le-bol face à la marginalisation et la privation des populations de la région du Rif de leurs droits fondamentaux. Cette manifestation dont les organisateurs sont les représentants des partis, d'associations de jeunes et de défense des droits de l'Homme a démarré «plus tôt que prévu, à midi», explique un des membres du comité d'organisation. Le point de ralliement et de départ des participants était Bab El Had, mythique point de rencontre des manifestations de 2011. Le cortège s'étendait sur près d'un kilomètre, sur l'avenue Mohamed V, principale artère de la capitale, jusqu'à la place Bab El Had, à la lisière de la médina, rapportent des médias électroniques qui couvraient en direct la manifestation. Des slogans hostiles à l'Etat marocain ayant rythmé pendant des mois les manifestations d'El Hoceima, à Nador et ailleurs au Maroc, ont été scandés dès le début de la marche. Le nom de Nasser Zefzafi, figure de proue du Hirak, emprisonné depuis quelques jours, a été la vedette de la marche, de par les hommages et les serments de fidélité que lui ont témoigné les milliers de participants. «Libérez Zefzafi» ou «nous sommes tous Zefzafi», étaient les autres slogans écrits et clamés à gorges déployées par les manifestants, en présence de ses parents et des familles des détenus. Ils ont pris un moment la tête de la manifestation, qui se voulait une marche «nationale» de «solidarité» avec le Rif et «contre la hogra et la marginalisation». Selon les représentants du parti Al Âadl Wa Al Ihssane, (parti islamiste non agréé mais toléré par les autorités), l'une des organisations à l'origine du rassemblement, ils étaient «un million» à prendre part à la marche qu'ils qualifient «d'historique». Al Hoceima est une région livrée aux aléas du sous-développement, délaissée par le pouvoir, et dont la population a de tout temps dénoncé son exclusion des programmes de développement local. Les principaux meneurs du mouvement de protestation, dont Zefzafi, ont été arrêtés et emprisonnés depuis le 29 mai, d'où l'exacerbation de la colère des Rifains et le large élan de solidarité avec ce mouvement revendicatif. A. B.