Après la vague de négrophobie et de racisme hideux qui a déferlé sur les réseaux sociaux et touché une partie de la presse, les pouvoirs publics ont exprimé unanimement, ce qui est réjouissant, leur attachement aux valeurs humanitaires et aux principes de solidarité, d'entraide et de fraternité avec les migrants subsahariens. Le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur ont notamment annoncé l'élaboration d'un fichier des réfugiés et l'évaluation de leur situation globale en vue d'une prise en charge humaine et efficiente. Les autorités nationales ont laissé donc parler le cœur et la raison à la fois. Il est vrai que cette vague de racisme abjecte contre les ressortissants venus du Sahel, d'Afrique Centrale et d'Afrique de l'Ouest, était inquiétante et laissait même craindre le pire. C'est-à-dire des agressions physiques, voire des expéditions punitives, contre des migrants clandestins de plus en plus visibles dans l'espace public à travers le pays, notamment dans la capitale et sa périphérie. Ce pire était d'autant plus à redouter que cette vague a été suscitée par une main invisible sur Facebook et Twitter, c'est-à-dire par des professionnels de la haine, relayés par des sites interlopes qui ont diffusé, à grande échelle, des «fakes» particulièrement toxiques annonçant des assassinats de ressortissants d'Afrique noire, et, dans certains cas, des pogroms ! On a même vu d'autres sites marocains relayer abondamment ces mêmes sites africains suspects et donner abondamment la parole à des internautes de leur pays pour mieux amplifier l'idée que les Algériens sont foncièrement un peuple raciste ! Cette manière d'accentuer l'effet de loupe était destinée à renforcer le sentiment d'exaspération chez certains Algériens pour mieux les inciter au passage à l'acte agressif contre les migrants subsahariens. Fort heureusement, on n'a pas enregistré d'actes graves, hormis de banales ou de violentes réactions verbales racistes entendues dans l'espace et les transports publics. En revanche, on a noté que l'écrasante majorité de nos compatriotes se montrait digne, parfois réservée ou même indifférente, ou encore sur la défensive, il est vrai, mais le plus souvent était calme, bien disposée et, dans beaucoup de cas, solidaire et généreuse par la parole et par l'acte. Ceci dit, l'existence d'un racisme latent ou manifeste, qui caractérise une partie de la population, en particulier certains jeunes, incite plus que jamais à appréhender le problème avec le cœur et la raison en même temps, comme cela semble être le cas des dirigeants du pays, ce qui est tout à leur honneur. La mémoire des affres de la colonisation est encore assez vivace et les Algériens sont eux-mêmes victimes du racisme à l'étranger pour devenir racistes eux-mêmes, c'est-à-dire dans leur grande majorité. L'effet de loupe amplifié par les medias et l'Internet doit être combattu, à grande échelle et au quotidien, par le biais de la solidarité nationale et de la générosité traditionnelle des Algériens. Donc, comme s'y oriente le gouvernement d'Abdelmadjid Tebboune, évaluer avec précision la situation humanitaire des réfugiés subsahariens et les recenser avec la rigueur extrême : identifier pour mieux agir, pour mieux aider. Et, en même temps, pour utiliser cette immigration comme un atout économique et social. Oui, comme un avantage, car ces migrants clandestins pourraient être bénéfiques pour un pays qui a besoin d'une certaine main- d'œuvre, surtout de main- d'œuvre qualifiée dans les secteurs du BTP et de l'agriculture où la force de travail locale est insuffisante ou fait défaut tout simplement. Cette approche humanitaire et pragmatique n'exclut pas pour autant une approche sécuritaire du problème, car une immigration clandestine laissée dans la marge et l'opacité, c'est-à-dire non maîtrisée, risque fortement d'être un terreau fertile pour le banditisme et surtout le terrorisme. Les forces du mal, représentées par les groupes terroristes et certaines forces de l'ombre ayant un intérêt évident à provoquer les scénarios libyen ou syrien en Algérie, pourraient y trouver les recrues nécessaires et en nombre. Des attentats terroristes perpétrés par les éléments les plus fragiles ne sont absolument pas à exclure. Il ne faut donc pas l'oublier, une immigration clandestine non identifiée, livrée à elle-même dans la nature, est un vrai cauchemar pour nos services de sécurité qui ont déjà fort à faire dans la lutte contre le terrorisme à l'intérieur du pays et à ses vastes frontières. C'est évident, il faudrait donc guérir et prévenir. La question des migrations est un sujet de premier plan. L'émotion, en premier lieu les réactions racistes suscitée par la situation de crise actuelle ne doit cependant pas faire oublier les enjeux de long terme. Seule une approche précise et objective des phénomènes de mobilités permettrait l'émergence de la politique migratoire pertinente dont nous avons tant besoin. Cette politique débute donc par le travail de collecte, d'analyse et de diffusion de données rigoureuses et objectives sur les migrations. En somme, commencer déjà par faire pour l'immigration subsaharienne ce qui a été déjà fait pour les réfugiés syriens et palestiniens qui sont identifiés, organisés et intégrés. N. K.