A Béchar, ville réputée paisible, il y a eu une série de faits graves. D'abord, une tentative de kidnapping par un migrant subsaharien d'une fillette de 9 ans, selon le propre témoignage de son père. Ensuite, en guise de représailles, une expédition punitive dans le quartier de retranchement des migrants sahéliens de la ville. Donc, un châtiment collectif et la stigmatisation injuste et injustifiée de toute une communauté de migrants. Pis encore, la tentative de vendetta collective s'est effectuée avec la complicité de certains agents de l'ordre public, du moins avec la passivité d'autres éléments. Il y a eu alors des heurts avec les migrants et par voie de conséquences de nombreux blessés. La colère est toujours mauvaise conseillère. Il aurait fallu garder le calme et porter plainte pour ne pas donner libre cours à la loi du Talion et à celle de la jungle. Par ailleurs, et pire que ces actes d'exercice de violence illégale, la couverture partielle, partiale et juge et partie de certaines télés privées dont les reportages à sens unique dégoulinaient d'un racisme abject. Et pire encore que cela, certaines réactions, nombreuses au demeurant, sur les réseaux sociaux qui justifient ces entreprises de répression collective en jetant l'anathème sur l'ensemble des migrants subsahariens qualifiés de délinquants et de dépravés ! Aussi excédées que pouvaient l'être les habitants de Béchar, rien ne justifiait de leur part le recours à la vengeance et le fait d'ignorer la police et la Justice. De même, rien ne doit justifier ou pardonner les expressions d'un racisme ignominieux dans les colonnes des journaux, à l'antenne et sur Un Net de moins en moins net et plus glauque que jamais dans ses expressions xénophobes et racistes. Oui, il ne faut pas se voiler la face, le monstre raciste est tapi dans les plis les plus profonds de certaines âmes bien noires en la circonstance. Mais cela ne veut pas dire pour autant que les Algériens sont foncièrement racistes et verser dans un intolérable essentialisme. Et dans cette affaire, les autorités algériennes, locales et nationales, ont leur part de responsabilité dans l'accueil, l'encadrement et la protection des populations de migrants qui ne doivent pas être livrées à elles-mêmes. Responsabilité qui s'étend à la répression de leurs éventuelles déviances par la seule force de la loi. Or on a remarqué ici ou là que ces populations sont confinées à la marge, dans des zones de relégation qui se transforment parfois en zones de non droit. Cette situation est intenable, insupportable et injustifiable. En aucun cas il ne faudrait laisser les populations locales dans un face-à-face avec celles des migrants. La moindre étincelle mettrait le feu aux poudres, comme ce fut le cas à Béchar. Quant à notre pays, s'il n'est pas encore celui d'une immigration de travail, il est toujours une terre d'accueil, la présence de plus en plus visible de migrants subsahariens sur tout le territoire national en étant témoin. Oui, le peuple algérien est dans son ensemble un peuple accueillant. Dans le moins bon des cas, un peuple qui tolère la présence étrangère. Pour autant, l'immigration en provenance de l'Afrique subsaharienne n'est pas massive, pas si importante en tout cas comme le suggère pour certains l'effet de loupe. Et même s'il y a de plus en plus de migrants sahéliens visibles dans l'espace public, leur nombre reste insignifiant dans l'absolu et doit être relativisé par rapport aux données de la géographie et de l'économie. Aujourd'hui, les ressortissants subsahariens ne menacent pas l'emploi en Algérie. Car ils n'y viennent pas pour chiper aux Algériens leurs emplois. Ils sont essentiellement là pour occuper des emplois que les Algériens refusent d'occuper ou pour lesquels ils ne sont pas qualifiés ou plus du tout. Notamment dans l'agriculture et le BTP. Sans compter un nombre indéfini de personnes employées dans des postes de domesticité clandestine, voire de servitude même. Un travail clandestin protégé par une omerta qui arrange bien du monde et surtout le beau linge ! Cette immigration, il faudra bien un jour la légaliser, l'encadrer et la protéger, car elle est une chance pour l'Algérie. Un pays qui aura besoin demain d'une main-d'œuvre qualifiée qu'il a désappris à former depuis longtemps chez lui. De plus, pays pétrolier riche, l'Algérie a un devoir de solidarité avec ses voisins sahéliens pauvres et sans ressources énergétiques. C'est cela même le sens de la diplomatie du bon voisinage, de la politique africaine et de la dimension tout aussi africaine de notre pays. A ce propos, le président Abdelaziz Bouteflika, africaniste par excellence, avait dit, à plusieurs reprises, qu'il est le plus noir des Africains blancs. Les Algériens, discriminés eux-mêmes ailleurs, sont en effet, en quelque sorte, des nègres blancs. Ils portent en eux une part de négritude, même si nombre d'entre eux ont l'âme un peu noire, prompte à verser dans un racisme anti-noir. Celui de la bêtise humaine qui focalise sur la pigmentation. N. K.