En cette période d'annonces et de promesses tous azimuts, dont certaines seront tenues parce qu'il y a de la trésorerie et certains projets inscrits bien avant les candidatures à l'élection du 9 avril prochain et l'arrêt définitif de la liste à six concurrents, la culture n'est pas encore à l'ordre du jour. La place qui lui est assignée, la dernière, fait consensus parmi les formations politiques, qu'elles soient au pouvoir ou dans des oppositions plus versatiles et velléitaires que porteuses de programmes pour la culture nationale, dignes de ce siècle et à hauteur de ce qui se fait dans les grandes nations qui exportent par milliards et qui couvrent toutes les demandes intérieures dans toutes les diversités, disciplines et arts majeurs. En cette période où chacun se croit obligé de faire des annonces et des promesses, il est essentiellement question de dépenses et non pas de l'inscription de projets industriels dans la culture, à même de structurer des investissements, de construire des temples pour l'opéra, les ballets, le théâtre, des laboratoires pour le film, des structures pour sa conservation et sa restauration, l'acquisition d'engins pour les effets spéciaux, la formation dans des métiers de pointe qui conjuguent l'art, l'informatique, la 3D, les techniques du son et du trucage, etc. Les grands pays industrialisés où la recherche scientifique, l'économie fondée sur la connaissance, les instituts de veille et de prospective, de prévisions et de planifications stratégiques, font vivre chaque année des dizaines et des dizaines de festivals de tous les arts, de spectacles de rue, de fêtes qui couvrent tout le pays jusqu'au lever du soleil. L'industrie culturelle, le tourisme, les centaines de PME/PMI qui font de la sous-traitance, le restaurant, l'hôtel et le taxi, les lieux de loisirs et de distraction h24 ont besoin de ces festivals qui satisfont des demandes, concrétisent avec des formes nouvelles à chaque fois le vivre ensemble dans la diversité et la variété au plan politique et syndical. Ces pays ont aussi la volonté de briller, de «tenir leur rang» sur l'échiquier mondial, d'exporter leur culture et de faire travailler les hommes et les entreprises qui la font. L'Algérie avec ses moyens bien modestes, comparés aux pays culturels dominants, a bien raison d'organiser des festivals. Ils sont confiés à des administrations dont ce n'est pas la vocation et qui ne sont pas concernées par la rentabilité financière. Or, celle-ci est simplement le versant de la fréquentation payante et de la rentabilité culturelle et sociale qui fait que des humains, de sexes et d'affinités politiques différents, de divers âges et statut social se retrouvent ensemble autour d'une même production. A la lecture de la somme d'argent qui sera consacrée au Festival panafricain d'Alger, dont une partie sera prise par des «initiés» ou des requins de tous âges, le contribuable est en droit de se demander ce qu'il restera une fois les lampions éteints et les invités repartis chez eux. Le Burkina, pays pauvre parmi les plus pauvres de la planète. Cette pâle copie, très pâle comparée à ce qui se fait dans le genre, se déroule là où la production de films est anecdotique à peine. On en vient au fameux «donnez-leur des jeux !». Combien de dizaines de longs métrages à 100% du Burkina (privé/public) sont vus chaque année dans le monde ? L'Algérie, bien entendu, n'est pas comparable au Burkina et elle a un rang à tenir qui est le sien. Ni plus ni moins. Mais elle ne s'engage pas avec détermination et imagination pour que le rang qu'elle mérite ou croit mériter s'adosse à des industries. Imaginons, car rien n'est scellé dans le marbre à part des alternances inévitables et la mort qui attend chaque terrien (qui l'oublie toujours), que 20% seulement du budget PANAF, s'il n'y a pas de dépassements soit soustrait et attribué ailleurs, pour des réalisations durables. On peut imaginer s'il y a de la décentralisation, la mise au travail d'associations culturelles autonomes, des cahiers des charges et des obligations de résultats, y compris financiers, que ces 20% serviront. On peut imaginer une troupe de théâtre amateur dans ses murs par wilaya, des ballets dans tous les genres, des orchestres nationaux décentralisés (jazz, classique, raï, rap et musiques algériennes), de la formation (cirque, mime…). On peut imaginer avec seulement vingt pour cent. A. B.