Photo : S. Zoheïr De notre correspondant à Annaba Mohamed Rahmani Avec la création de 911 entreprises en 2008, la démographie de la PME à Annaba a enregistré un taux de croissance fort appréciable atteignant les 12,24%. Ce chiffre, s'il reflète quelque peu l'essor que connaissent ces entités économiques, est cependant instable et fluctue suivant la situation et les conjonctures que traverse le marché avec pour principaux obstacles le financement et l'indisponibilité du foncier industriel. Aujourd'hui, dans cette région du pays, on compte 8 354 PME employant 47 406 salariés répartis sur les secteurs du bâtiment, des travaux publics et de l'hydraulique où activent 1 492 entreprises avec 10 407 travailleurs. 1 014 autres ont investi dans le transport et les communications employant 4 935 salariés. L'hôtellerie et la restauration en comptent 368 où travaillent 1 719 personnes. Dans la sidérurgie, la métallurgie, la mécanique et l'électricité, il y en a 153 avec 1 679 salariés. L'agriculture et la pêche avec 750 PME emploient 6 670 travailleurs. Et bien d'autres activent dans différents secteurs tels que les matériaux de construction, le commerce, etc. La répartition de ces PME par la taille fait apparaître que 91% d'entre elles, soit 7 649, sont très petites et n'emploient qu'un nombre réduit de personnes compris entre 1 et 9,7%, soit 588 entreprises comptant entre 10 et 49 travailleurs et seulement 1,4%, soit 1 17 PME comptant entre 50 et 250 employés. Quant autres considérées comme entreprises hors PME, à l'exemple des complexes Arcelor et Fertial, elles représentent près de 1%. Ce tissu de petites entreprises évolue dans un environnement économique défavorable et parfois hostile du fait d'une concurrence féroce et souvent déloyale aggravée par des conditions rédhibitoires de d'accès au crédit, crédits qui permettraient une amélioration des services ou des produits proposés et ainsi devenir plus compétitifs de façon à décrocher des marchés. Le Fonds de garantie des crédits aux PME (FGAR) est venu à la rescousse pour faciliter le financement de ces entreprises confrontées à des problèmes de trésorerie qui pourraient constituer un frein à leur développement ou à leur pérennité. Ces garanties couvrent à hauteur de 80% les crédits alloués pour la création d'entreprises, la rénovation ou l'acquisition d'équipements ou la prise de participation. Mais malgré les garanties offertes, les banques rechignent à les financer et ne concèdent des prêts qu'au compte-gouttes. Ainsi, de 2005 à 2008, seulement 9 projets garantis par le FGAR ont vu le jour, créant 676 postes d'emploi permanents. Le montant des garanties accordées a été de 264 millions de dinars. Ces PME activent aujourd'hui dans les secteurs du lait et des dérivés, du papier, de la meunerie, de l'électroménager, de la sidérurgie, de la métallurgie, de la bijouterie semi-industrielle et des produits d'entretien. Récemment, un autre dispositif est venu renforcer le FGAR pour donner un coup de fouet à la PME, accélérer son développement et assurer sa pérennité ; il s'agit de la Caisse de garantie de crédit d'investissements (CGCI) ; ce fonds au capital de 30 milliards de dinars et financé à 60% par le Trésor public apportera certainement un plus à ces entités économiques créatrices de richesses et d'emplois dans une région où le chômage fait rage. Le problème le plus difficile à régler et qui persiste, menaçant l'existence même de la PME est la concurrence déloyale ; en effet, le marché est inondé de produits importés frauduleusement et cédés à des prix que les entreprises de production ne peuvent pratiquer ; autrement, elles travailleraient à perte, les coûts de production et le prix de revient dépassant largement ceux proposés par les revendeurs pour les produits importés. Le combat est inégal et le consommateur ne cherche pas trop la qualité du produit ou son origine, il ne cherche pas à acheter algérien, il s'intéresse beaucoup plus aux prix, c'est ce qui compte pour lui en premier. Vient ensuite l'épineux problème du foncier industriel, «le foncier tout court», comme se plaît à le répéter le directeur de la PME à Annaba, Hamel Belkheir. Ce vrai casse-tête pour les autorités ne trouve presque pas de solution malgré l'intervention des autorités qui, elles-mêmes, peinent à dégager des terrains pour les différents projets d'équipements publics ou de logements. La «maffia» du foncier a tout accaparé, que ce soit au niveau des zones industrielles ou des sites convoités. Des terrains affectés à la réalisation de projets sont restés désespérément nus ; on s'est contenté de dresser des clôtures pour en délimiter l'espace et c'est à peu près tout. L'administration a intenté des procès contre ces individus et la justice n'a pas encore tranché dans la plupart des cas, cela prend beaucoup de temps et cependant on est toujours à la recherche de terrains. Les capacités managériales des patrons des PME, un autre facteur déterminant pour la survie de l'entreprise et son développement, sont très limitées et conduisent le plus souvent à l'extinction de ces entités. En effet, le recours à l'expertise ou aux conseils de spécialistes en la matière est quasi inexistant ; la gestion n'étant pas planifiée et n'obéissant pas aux normes, «on navigue à vue», comme on dit, et le plus souvent «on perd le nord» puis on ferme purement et simplement, c'est le dépôt de bilan. Pour remédier à cette incohérence, une pépinière d'entreprises, appelée communément incubateur, a été créée à Annaba ; c'est un lieu d'hébergement et d'accompagnement des entreprises naissantes pour une période limitée. Le centre dirigé et animé par des experts met à la disposition des futurs chefs d'entreprise, diplômés, chercheurs et détenteurs de brevets ou porteurs de projets des conseils personnalisés avec pour objectif l'émergence de projets innovants en matière de haute technologie. Sur un autre plan, 343 jeunes ont bénéficié d'un stage de formation sur la création de l'entreprise, son financement et sa gestion ; le programme est cofinancé par le Bureau international du travail et le ministère de la PME qui ont formé les formateurs, lesquels s'occuperont d'encadrer les jeunes porteurs d'idées et voulant monter leurs propres affaires. Avec tous les dispositifs créés et toutes les mesures prises par les pouvoirs publics, le talon d'Achille de la PME à Annaba reste le financement ; les banques commerciales pour la plupart ne jouent pas le jeu et hésitent longtemps avant d'accorder les prêts. Garanties sur garanties, études technico-économiques viables, solvabilités et autres ne suffisent pas pour ces organismes financiers. «Pour un vrai décollage de la PME, il faudrait penser à créer des banques spécialisées dans l'investissement, c'est le seul moyen», nous confie un expert.