Abdelwahab Rahim, président du groupe Arcofina, gagnerait manifestement à être mieux connu. A être connu, tout court. Surtout du grand public. L'homme est aussi discret que le businessman. Trop même. Un jour, un analyste avisé avait écrit que la discrétion ne lève pas des fonds. Surtout quand il s'agit d'un emprunt obligataire souscrit sur un marché balbutiant dans une économie abreuvée à la culture de l'opacité. Mais qu'importe le bilan chiffré de l'opération, dont l'appréciation s'apparente à la logique de la bouteille à moitié pleine ou à moitié vide. Dans le cas d'Abdelwahab Rahim, il s'agit d'un semi-échec au regard de l'objectif comptable initial et de sa manière de communiquer, tardive et pas toujours bien dosée. Mais, encore une fois, qu'importe le flacon… L'essentiel est finalement ailleurs. Il réside dans la volonté de l'homme d'affaires de ne pas céder au défaitisme. Et d'abdiquer devant ces forces actives ou inertielles résolument appliquées à freiner son élan. Donc, à mettre en échec patent son projet futuriste et structurant, connu sous le nom urbanistique d'Alger Médina. Il est donc heureux de constater que chez Rahim, la volonté de refuser l'échec est d'autant plus forte que son projet est en soi un concept novateur. Et, en Algérie, pays conservateur peinant à entrer de plain-pied dans l'économie de marché, l'innovation relève parfois du paganisme religieux. Le patron de DAHLI, la SPA souscriptrice, peut donc se dire qu'il y a des échecs relatifs qui portent en eux les germes du succès futur. Sa première victoire est d'avoir bénéficié déjà de la confiance de 1 259 emprunteurs physiques sur un total de 1 310, sans que l'Etat ait eu à mettre dans le couffin obligataire un seul dinar. Autre satisfaction paradoxale : les banques publiques, qui n'ont pas joué résolument le jeu, faisant même preuve de mauvaise volonté, montrent encore une fois que leur modernisation est une priorité stratégique absolue. L'obsolescence du système et les mentalités formatées par l'archaïsme et l'opacité constituent un danger réel pour l'économie nationale. L'emprunt DAHLI en a été un révélateur de plus. Mais il n'y a pas que les banques. Beaucoup d'intérêts constitués perdraient beaucoup à voir prospérer un marché obligataire représentant quelque 210 milliards de dinars. Ce marché, qui établit un lien direct entre l'emprunteur et l'épargnant, exige beaucoup de transparence. Donc de rendre publics les bilans, pratique encore étrangère aux opérateurs publics et privés algériens. En fin de compte, le mérite d'Abdelwahab Rahim aura été de vouloir réaliser son projet avec l'argent de souscripteurs privés algériens et sur ses fonds propres. Ces capacités sont constitués par de cash flow et d'actifs couvrant en proportion 176% du montant nominal de l'emprunt obligataire. Ce qui le rend encore plus digne d'estime, c'est d'avoir voulu promouvoir un actionnariat populaire algérien dont la rémunération est absolument garantie. Le mérite est d'autant plus évident que le projet Alger Médina pouvait être financé grâce à de l'argent étranger largement disponible. La démocratie, à l'image des projets économiques et urbanistiques les plus audacieux, se construit aussi avec et grâce aux petits souscripteurs. N. K.